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Smartsourcing

Si on comprend que le but de toute entreprise est d’acquérir une clientèle, alors il faut accepter qu’elle n’ait seulement que deux fonctions de base: la commercialisation (marketing) et l’innovation (R&D). « Le marketing et l’innovation produisent des résultats, tout le reste : des coûts.» Crowdsourcer l’innovation serait un non-sens selon Graham Hill. Smartsourcing est mieux.

http://www.flickr.com/photos/freeparking/1279927021/Graham Hill, (How Understanding Customer Jobs turns Crowdsourcing into Smartsourcing) ne croit pas que pour l’innovation certaines entreprises peuvent utiliser leurs clients pour générer des idées de nouveaux produits.

Cette pratique est connue sous le terme «crowdsourcing» ou «idéagoras», comme le nomme si joliment Claude Malaison (voir son dernier billet) ou «l’approvisionnement par la foule», pour être plus prosaïque comme Alexis Mons (voir son dernier billet).

Hill démonte deux entreprises de crowdsourcing pour montrer qu’il faut faire du «smartsourcing», c’est-à-dire repérer que les perles et ignorer le gravier…

Les foules peuvent-elles innover?
Par exemple, pour Dell IdeaStorm, les idées qui ont été mises en œuvre à ce jour montent à 2,9% du total. Faible.

My Starbuck idea a uniquement mis en œuvre 315 idées à ce jour, un maigre 0,4% du total. Encore plus faible dit-il.

  • 1er constat: les clients, en très grande majorité, produisent typiquement des idées «moyennes», sans génie particulier, des innovations incrémentales, plutôt que des sauts innovants que les compagnies espèrent.
  • 2e constat: le très faible taux de mise en œuvre, car les clients n’ont en général qu’une faible connaissance du véritable fonctionnement de l’entreprise et de ses capacités d’affaires.

Qui peut innover?
En contraste frappant avec les exemples précédents, Hill donne l’exemple de Toyota qui met en oeuvre plus de 1.000.000 idées des salariés, chaque année, 95% d’entre eux dans les 10 jours de son introduction. Les employés savent exactement où sont les meilleures possibilités d’innovation et ce qui peut raisonnablement être mise en œuvre.

Si on cherche à remplacer son département de R&D, Hill a raison: n’attendez pas que votre consommateur vous donne tout cru dans la bouche la solution à vos déboires. Cela dit, on aurait tort de décrier le crowdsourcing comme inefficace comme il le fait, même si son point est pertinent concernant l’innovation. Sinon comment expliquer que Google Product Ideas permet sur une grande échelle la réception de feedbacks sur leurs produits.

Smartsourcez!
Par contre, son idée de « smartsourcing » consistant à se concentrer sur des idées, sur des points particuliers, sur des «douleurs» (comme on dit dans le métier) ou des opportunités peut se révéler une vraie mine d’or en information sur sa clientèle (qui est le but premier de l’entreprise, rappelons-le).

Il faut donc bien avoir quel type de retour on espère avoir, de façon réaliste. Des fois, une amélioration quantitative est nécessaire (Le Guardian demande à ses lecteurs de parcourir les comptes de dépenses des députés) ou qualitative (voir l’enquête qui démontre le réseautage viaTwitter/Facebook avec les consommateurs est payant).

Le seul fait que la plupart des utilisateurs ne disposent tout simplement pas de bonnes idées n’est pas une bonne raison de ne pas vouloir « harnacher » le désir des usagers à vous aider.

Est-ce que les foules innovent? Je crois que non. Entrez dans une grande surface, regardez la foule faire leurs emplettes. Solliciter leur aide ne fera pas de vous le prochain IKEA.

Mais ne pensez-vous pas qu’ils sont aux premières loges pour vous partager des améliorations sur le management, la disposition, les produits, etc.?

Référence
How Understanding Customer Jobs turns Crowdsourcing into Smartsourcing
ComMetrics on Crowdsourcing Innovation: You’re Doing It Wrong
Crowdsourcing: Three Ways to Find a Great New Company or Product Name Free or at Low Cost
(PDF) Ranking the Top 100 Global Brands. Who’s most engaged?
Facebook et Twitter font bondir les profits

Source image

Martin Lessard
Conférencier, consultant en stratégie web et réseaux sociaux, chargé de cours. Nommé un des 8 incontournables du Montréal 2.0 (La Presse, 2010). Je tiens ce carnet depuis 2004.
http://zeroseconde.com

6 thoughts on “Smartsourcing

  1. Très intéressant comme billet Martin.

    Votre paragraphe clé:

    Le seul fait que la plupart des utilisateurs ne disposent tout simplement pas de bonnes idées n’est pas une bonne raison de ne pas vouloir « harnacher » le désir des usagers à vous aider.

    En effet ! Même si Starbucks, par exemple, met en oeuvre (et jusqu’à présent) 0,4 % des idées ou suggestions reçues, c’est mieux que ZÉRO.

    Par contre on ne sait pas si l’une d’entre elles a permis d’améliorer le développement durable, de faire épargner ou gagner quelque chose à l’entreprise ou à ses clients. Le quantitatif ne doit jamais occulter le qualitatif… Serait-ce l’effet de longue traîne du crowdsourcing ?

    Enfin, il y a une phrase du billet que je n’arrive pas à saisir dans l’exemple de Toyota:

    Les employés savent exactement où les meilleures possibilités d’innovation du mensonge, ce qui peut raisonnablement être mise en œuvre et le profit à effet de le faire.

    Innovation du mensonge ? Manque-t-il quelques mots (une proposition) ou s’agit-il d’une coquille ou est-ce moi qui est dans le champ ? (toujours possible)

    Merci encore pour cette réflexion et le lien vers le billet de Claude Malaison aussi.

    Patrice Leroux

  2. Merci Patrice. je fais du crowdsourcing de révision 😉

    J’ai tendance à écrire trop, alors je coupe parfois. Mais je ne me relis pas, il faut croire!

    J’ai corrigé. Voici la bonne phrase: «Les employés savent exactement où sont les meilleures possibilités d’innovation et ce qui peut raisonnablement être mise en œuvre.»

    Je voulais ajouter qu’un employé ne pouvait mentir (on le connaÎt -il a un statut non anonyme) sur ses capacités, son idée, ou les retombés potentiels.

    De fait, la compagnie possède du data «trustable» qui lui permet de reconnaître rapidement tout le profit qu’il a poursuivre l’étude de l’idée -car trier le bon grain de l’ivraie est une plaie. Avoir des sources un peu plus fiable aide d’une certaine façon…

    Merci d’avoir relevé ma (grosse) coquille.

  3. Gaël, il faudrait définir « expertise », mais statistiquement, disons que dans un groupe donné, « l’expertise » se distribue probablement selon une courbe en forme de cloche (c-à-d la moitié des gens seront moins experte que la moyenne, l’autre moitié plus experte).

    Le smartsourcing serait vouloir s’intéresser à la portion supérieure.

    Pour la deuxième portion de la question, « pouvoir formuler des propositions pertinentes » il faut aussi bien définir ce que veut dire « pertinent ».

    Disons qu’en physique moléculaire, peu de gens peuvent prétendre être experts. Mais si peu de gens le sont, comme fait-on pour reconnaître un expert si on ne l,est pas? Les pairs valident ce fait. L’université est une institution à valider des expertises, par exemple. C’est aussi un club sélect. Ici aussi une « proposition pertinente » pourrait se voir refuser comme telle sur le simple fait de non-appartenance au groupe.

    Dans le cas qui nous intéresse, et qui me semble sous-entendu dans votre question, c’est de savoir si tous peuvent, à certains degrés, prétendre formuler des propositions qui peuvent être innovantes.

    Trouver une idée originale est une chose (une ampoule qui utilise de l’eau pour éclairer, un stylo qui se recharge sur le secteur pour créer de l’encre, une assiette qui se mange après utilisation), savoir comme les créer en est une autre. Je situe l’expertise dans la transformation concrète d’une idée.

    Les idées sont pertinentes — et aucune expertise n’est nécessaire. Une pratique experte rend assurément plus pertinente toute proposition provenant d’un individu. L’enjeu du smartsourcing serait de repérer cet expert.

    Hill dans son texte tend à occulter « l’intelligence collective ». Une certaine « sagesse » émerge (une « expertise »?) en collectivité et qui n’est pas rattachée à une personne en particulier, mais au groupe.

    L’expérience de Quiky.com montre que l’on peut utiliser de multiple micro-expertise pour bâtir un produit de haut niveau.

    Mechanical Turk d’Amazon divise les tache cognitive pour permettre de «processer» de l’information à plusieurs.

    Cela dit, j’aurais de la difficulté à croire que sans une certaine « expertise » dans un domaine, une proposition est rarement pertinente. Une bonne utilisation du crowdsourcing serait de faire remonter les exceptions, car à la participation de tous et des algorithmes élaborés…

  4. J’avais écrit un billet sur mon blog il y a 3 ans (http://www.imparfaitdusubjectif.fr/archives/2007/01/15/le-skillsourcing-quest-ce-que-cest/) dans lequel je défendais l’utilisation du terme « skillsourcing » aux côtés du terme « crowdsourcing ». Mechanicalturk c’est du crowdsourcing, les tâches demandées ne demandent aucune compétence particulière, mais la plupart des autres exemples de crowdsourcing (LaFraise, Threadless, Innocentive, …) sont en réalité du skillsourcing, ce que l’entreprise recherche, ce sont les experts parmi la foule, pas le pékin moyen. De ce que j’en comprends, le « smartsourcing » rejoint un peu cette idée.

  5. Raf, je serais d’accord pour adopter votre terminologie: elle est plus claire. J’imagine que smartsourcing a de beaux jours devant lui car il possède l’avantage de « qualifier » le processus du point de vue de la vente à l’interne – on extrait du « smart » c’est plus attirant 😉

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