Jean-Philippe Smet (plus connu sous son nom d’artiste Johnny Hallyday), lors de son hospitalisation récente, a alimenté la machine à rumeur sur Twitter. La France, qui entre timidement sur Twitter (1 million d’abonnés seulement), découvre en masse ces jours-ci le fil de presse de la plus puissante caisse de résonance de l’opinion publique.
Quand sur France Info la nouvelle annonçant que le mot clé Johnny cartonne au palmarès Twitter passe avant son bulletin de santé il faut se rendre à l’évidence que Twitter quitte la niche des ‘early adopters’.
Bien sûr, il y en aura toujours qui vont se gausser que ce canal n’apporte que du futile et du superflu. Pourtant, si on se mettait à écouter toutes les conversations téléphoniques simultanément sur le même thème, je ne suis pas sûr que le niveau sera plus élevé. Alors, pourquoi ne crache-t-on pas aussi sur le système téléphonique pour les mêmes raisons?
À ce que je sache, les usagers de Twitter et du téléphone ne vivent pas sur deux planètes! (On a la fâcheuse tendance d’accorder à l’écrit un statut sacré où tous les usages ne sont pas permis)
Non, l’hospitalisation de Johnny n’est pas autre chose que ce qu’il est, tout canal confondu, journaux compris: un potin. Inutile de tirer sur le canal.
Twitter comme « dial tone » de l’opinion publique
La conversation autour des rumeurs n’a pas attendu Internet et correspond à un processus participatif consistant à entrer dans une boucle de rétroaction sociale où chacun cherche à s’approprier le message qu’il l’a ébranlé en le redistribuant.
Par contre, ce qu’il y a d’intéressant, c’est l’amplification du rôle du canal: comme pour Michael Jackson chez les Américains, qui a connu un sort plus triste, les Français expriment leur passion (ou leur dégoût, c’est selon) sur ce nouveau médium. La rumeur « Johnny » pourrait être ce cheval de Troie qui donnera à Twitter la chance d’acquérir une plus grande audience.
Mais pourquoi diable avons-nous besoin d’un autre canal, puisqu’il y a déjà Facebook comme « média social », demandent certains?
C’est que Twitter participe à un nouvel écosystème de l’information dans nos sociétés de communication de masse. Je n’ai aucun problème à croire que Facebook, aussi, a résonné autant (sinon plus) que sur Twitter sur ce potin. Mais, voyez-vous, Twitter permet la libre circulation de l’information et l’hyperlien. Je m’explique.
Là où Facebok offre une viralité (une des plus hallucinantes de l’histoire de la communication), l’information est limitée par un seul facteur (qui d’ailleurs fait sa force à l’intérieur de ce réseau) le « graphe social« , les liens d’affinité explicites. Si je ne suis pas ‘friend‘ avec des gens parlant du potin, je suis non seulement hors circuit, mais j’ai aucun moyen de m’y référencer… aucun moyen de « linker » vers la source primaire du potinage, aucun moyen de rechercher hors de mon réseau.
Médias sociaux, médias horizontaux
Entendons-nous ici sur le sens d’écosystème de l’information: Facebook ou Twitter ne remplacera pas les médias traditionnels ni le bouche-à-oreille. Ils en font partie. Ils en sont une des composantes. Le citoyen s’y appuie pour se forger une opinion, au grand dam de l’élite journalistique.
Et c’est là une des forces de Twitter: quand on apprend la nouvelle que Johnny est hospitalisé, Facebook n’est d’aucun secours si notre propre réseau ne s’intéresse pas.
Twitter permet l’accès ouvert à tous les « statuts » de tous les abonnés ouverts (il y a moyen de le rendre privé) et la convention « # » avant un mot permet de suivre un « thème » improvisé (n’importe qui peut mettre un # devant n’importe quel mot et ça devient un thème). Plus simplement, la recherche plein texte permet de retrouver l’occurrence « Johnny » et de suivre ce qui se dit.
Là où sur Facebook une information suivait les lignes de moindre résistance dans le « graphe social », sur Twitter, l’information est réellement libre de se rendre à celui qui veut l’accueillir ou la chercher.
Percolation de la qualité
Bien sûr, il reste à trier le bon grain de l’ivraie. Dans ce cas, les RT (« ReTweet », retransmission), autre convention, avant le nom d’un usager, qui indique que l’on a tout simplement retransmis (recopié) ce que la personne a écrit précédemment, est une façon de repérer les informations « importantes » (une forme d’éditorialisation a posteriori).
Un RT acquiert souvent l’aura d’une information « validée » (non pas au sens de vérité, mais au sens d’approuvé par son réseau) –tout le travail restant consiste à se monter un réseau fiable, on va s’en reparler une autre fois — d’ici là, relisez le chapitre 3, Comment le carnet Web stimule la qualité, du célèbre billet de Sébastien Paquet…
Twitter, par son ouverture, offre une possibilité aux autres médias de s’y accrocher, de la mesurer, de s’y (hyper)lier et de la citer ouvertement sur la place publique. Chose impossible pour Facebook (car il faut y être abonné*).
Ceux qui connaissent la valeur d’avoir une voix sur la place publique en comprennent très bien la valeur.
MàJ: * FaceBook, comme pour prouver mon point, commence cette semaine à rendre les fils des statuts accessibles (lire Tech Crunch), ce qui était un réseau privé devient public (et je ne suis pas sûr que ça va plaire à tous!)
Qui eut cru que Johnny Hallyday sortirait les français de l’obscurantisme avant sa mort 😉
Pff ! Certains prennent leurs désirs pour des réalités ! Twitter n’est qu’un « petit » outil sans prétention qui a recu un énorme buzz que personne n’attendait, y compris ses créateurs qui ne savent même pas comment le monétiser !
Une parenthèse qui sera vite oubliée.
Allogarage, peut-être que Twitter, lui-même, sera oublié, mais le micro-blogging a sa place, même limitée, dans un écosystème de communication à l’ère des réseaux.
Je ne crois pas qu’il faille juger la pertinence d’une telle fonction de communication dans les sociétés d’aujourd’hui sous l’angle restrictif de sa rentabilité commerciale. Cet outil n’avait sûrement pas la prétention de recevoir le ‘buzz’ qu’il a aujourd’hui.
Mais son adoption en France prend une allure qui est semblable à celui de Facebook, pour d’autres usages, d’autres publics et d’autres raisons.