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Des illusions mediatiques

Avez-vous déjà eu l’impression que la société qui vous entoure ne ressemble en rien à ce que décrivent les médias? Les médias décrivent-ils un monde extérieur que vous n’expérimentez pas quotidiennement?

« J’étais, comme en beaucoup d’autres domaines, victime de l’illusion médiatique, de la construction par les médias d’une image de la société qui leur ressemble.

Dans les médias, même populaires, les journalistes aiment que la société leur ressemble alors qu’il n’en est rien. Vous me direz qu’ils font oeuvre d’éducation; j’en doute. Ils font oeuvre d’autosatisfaction. »

Gil Courtemanche, le Devoir

Quelles sont les raisons de cette déformation de la réalité par les médias?

La première raison réside dans leur subjectivité : les journalistes généralisent à partir du matériau qu’ils ont à leur portée. Or cette bulle de la réalité qui les entoure ne représente que leur monde et partiellement le nôtre.

La deuxième raison se situe à l’opposée : les journalistes citent des statistiques qui décrivent objectivement le monde. Or, outre le fait que ces données peuvent être déformées –et d’une certaine manière, elles le sont toujours un peu–, les chiffres donnent à voir un monde tel qu’il est d’un point de vue impossible pour aucun d’entre-nous –c’est à dire omniscient et de partout à la fois–.

Dans les deux cas, leurs points de vue recoupent rarement le nôtre. Ou s’il l’est, c’est pour la première raison citée : ils extrapolent subjectivement leur portion de la réalité pour construire la société et rejoignent du coup notre propre construction.

Vous marchez dans la rue et vous vous dites (selon les médias qui vous aveuglent) : mais où sont les voyous qui doivent mettre à feu et à sang ma patrie? mais où sont les érudits qui parlent philosophie dans les cafés?

Marcher sur les Champs Élysées ou être à Argenteuil ne donne pas nécessairement accès au même « monde ».

Interviennent alors les statistiques : ils décrivent le monde tel que les chiffres le montrent. Mais malheureusement, l’homme moyen avec son salaire moyen et sa culture moyenne n’existe pas plus. Mais les statistiques n’en sont pas moins réels dans le sens qu’ils émanent d’observations réelles.

La juxtaposition statistique ne donne pas immédiatement sens, et est souvent contre-intuitif, mais elle est là pour contre balancer nos observations subjectives.

Les médias ne sont donc pas nécessairement en cause: au fond ils reproduisent nos travers. Les journalistes sont comme nous. Il n’y a simplement peut-être pas assez pour que l’on se fasse une idée juste du monde.

La blogosphère, quand on prend le temps d’en faire le tour, nous donne cette perspective multisubjective, une co-construction de la réalité, qui nous permet de nous faire une idée peut-être plus nuancée des choses. Je ne serais pas étonné d’y découvrir les germes de la méfiance qui s’instaure à l’encontre des médias.

Peut-être que nous sommes tout simplement incapables d’en faire le tour que nous nous en prenons ainsi aux médias de ne pas cerner totalement la réalité pour nous. Ou alors soupçonnons-nous peut-être quelques complots dans l’usage des statistiques pour nous forcer à avaler des couleuvres. Dur dur d’être libre de choisir…

Martin Lessard
Conférencier, consultant en stratégie web et réseaux sociaux, chargé de cours. Nommé un des 8 incontournables du Montréal 2.0 (La Presse, 2010). Je tiens ce carnet depuis 2004.
http://zeroseconde.com

6 thoughts on “Des illusions mediatiques

  1. Typiquement, les micro trottoirs me font mourir de rire : comment un journaliste peut il encore utiliser cet artifice pour argumenter dans son reportage.

    On peux faire dire tout et n’importe quoi au gens dans la rue. Sans compter que l’on fait le tri entre les témoignages qui nous intéressent et ceux qui ne vont pas dans notre sens.

  2. Pourquoi reprocher aux journalistes d’être incapable de décrire la réalité de façon objective et quantitative alors que personne ne peut le faire. Y a-t-il une autre solution que d’en être conscient et de faire la part des choses lorsque l’on se nourrit de textes journalistiques? La blogosphère n’échappe pas à cette règle, la subjectivité est maître en ce monde.

  3. Je suis d’accord avec M.Lépine, et il n’y a pas besoin d’avoir de regarder les médias.
    Prenez juste une discussion autour d’une table au bureau ou entre amis, et parler d’un sujet qui vous est loin mais pas trop (impact de la voiture sur le climat ou l’utilité de Centraide) et vous verrez les multitudes de commentaires divergents.

    Les points de vues sont basé sur les expériences personnelles ou les sources d’informations différentes de vous.
    Nous avons tous qu’une vue partielle de notre monde, il faut juste le reconnaître.

    Par contre , ce que zeroseconde fait, c’est de pointer vers des illusions qui tendront à s’auto-réaliser. Les médias s’épient mutuellement et vont jusqu’à créer du contenu ( on parle alors d’une tempêtes dans un verre d’eau). Les médias auront tendance de parler d’eux-mêmes en ultime logique.

  4. Je suis d’accord avec vous, tant que la subjectivité existera on ne pourra pas faire du journalisme parfait, ce qui revient à dire que le journalisme parfait n’existe pas.

    Cependant le travail d’un journaliste est ou devrait être de s’approcher un maximum de l’objectivité totale, livrer l’information brut et laisser le spectateur se faire une opinion. Mais quand on regarde la plupart des informations livrées dans les médias on est en droit de se demander si c’est vraiment l’objectivité que visent les journalistes.

    Dans ce cas je pense que l’on peut reprocher aux journalistes non pas leur imperfection mais bien leur manque de professionnalisme.

  5. Soyons sérieux un instant, quand vous regardez (TV) ou lisez les média de masse (Presse), on est souvent assez loin de la perfection. Pour s’en rendre compte, lisez une analyse de qualité par un spécialiste d’un domaine et comparez le.

    Reste que l’actualité quotidienne est délicate avec le manque de recul et de temps pour bien la traiter.

    La qualité de ces médias de masse me semble être très corrélé avec la qualité de nos démocraties. il y a un devoir d’éducation et d’exactitude vis a vis des citoyens et électeurs.

    Ensuite il y a l’audimat et les revenus de la publicité. Un blog n’a pas la contrainte financière et ses obligations d’une chaine TV. Le meilleur et le pire peux s’y cotoyer tandis que la TV assure une moyenne digeste.

    Dans les statistiques, il y a la moyenne mais aussi les courbes de distribution et d’autres indicateurs plus pertinent qu’une moyenne. Les médias de masse ne communiquent que 2 ou 3 criteres des instituts de sondage quand les politiciens en ont des complet payants.

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