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L’âge d’or d’internet est derrière nous

Ce n’est pas moi qui le dit, mais Benoît Thieulin, président du Conseil national du numérique français, invité à l’émission Place de la toile.

Ce n’est pas du tout nostalgique. Je crois qu’on a vécu une période qui était difficile dans laquelle on était un groupe un peu en vase clos, de geeks, de développeurs, d’innovateurs, de créateurs de startup, de penseurs du numérique et qui pestions en gros en étant les incompris. Le petit village gaulois numérique noyé dans un océan d’ennemis, d’adversaires, de gens qui ne nous comprenaient pas. Mais quand même globalement on nous foutait un peu la paix. Quelques fois il y avait une loi Hadopi qui sortait, etc, mais globalement on faisait un peu ce qu’on voulait chez soi.»

«J’ai tendance à penser que effectivement cet âge d’or là, dont on n’était pas du tout satisfait à l’époque, parce qu’on se disait « On est l’avenir! On est le nouveau monde », cet âge d’or là, je pense qu’il est vraiment derrière nous. Pour une raison simple: le numérique a investi la totalité, quasiment, des dimensions de la société et je dirais la quasi-totalité de la population, même si c’est de façon inégale»

L’effervescence des premières années web, qu’on pourrait faire dater la fin avec l’appropriation massive des médias sociaux par le public, a fait son temps.

Pour ne pas multiplier inutilement des dates charnières, disons que l’on pourrait faire un pont de 20 ans qui part de 1993 (sortie de Mosaïc, qui a littéralement ouvert Internet aux masses) à 2013 (sortie des révélations de Snowden sur la surveillance massive de la NSA – lire mon billet sur le sujet).

La première date est une ouverture, la seconde une fermeture.

Avec des géants du web qui maintenant entrent dans nos vies autrement que par la lucarne de notre ordinateur,  le numérique investit tous les spores de nos vies, du smartphone à l’automobile autonome et maintenant via notre thermostat et nos détecteurs de feu (en prenant l’exemple de l’achat de Nest par Google hier — lire mon billet sur le sujet sur Triplex).

J’écrivais en 2004 « Toto, I’ve a feeling we’re not in Kansas anymore« . En 2014, il est temps de révisiter tous nos acquis, car nous sommes de l’autre côté du miroir.

Post scriptum: suite aux commentaires ci-dessous, je crois bon de préciser deux choses:

  1. Il faut prendre l’expression « internet » dans le sens très strict « d’Internet dans les premières années du web », cette période euphorique où « tout était possible », où le web appartenait à des happy few et pouvait être créé ex-nihilo –et dont la société dans son ensemble ne percevait ni le potentiel ni la valeur. Cette période n’existe plus.
  2. Il reste de nombreuses choses à être inventées dans le numérique. Ce qu’on appelle ici «l’âge d’or» n’est qu’en fait «l’époque des bâtisseurs, des pionniers» et ne sera pas retenu sous ce vocable dans le futur quand tous ses acteurs seront morts.
Martin Lessard
Conférencier, consultant en stratégie web et réseaux sociaux, chargé de cours. Nommé un des 8 incontournables du Montréal 2.0 (La Presse, 2010). Je tiens ce carnet depuis 2004.
http://zeroseconde.com

9 thoughts on “L’âge d’or d’internet est derrière nous

  1. Cela fait quelques années que je ne suis venu commenter ici mais si j’ai suivi le parcours de l’homme.

    Assez d’accord avec cela, les belles années sont passées. On le mesure aussi du côté des entreprises qui sont aussi très frileuses (de ce côté de l’Atlantique en tout cas) et qui veulent toutes la même chose ; sont aussi souvent très mal conseillées par des « agences » qui privilégient la marge au véritable conseil.

    Et je n’entre pas sur le terrain sécuritaire…

    Belle année pleine de Santé et de Bonheurs

  2. Sylvain, je crois que les entreprises des _deux_ côtés de l’Atlantique ne sont pas très en avance… Mais je crois qu’il faut aussi changer notre point de vue sur ce que veux dire frileux. Il me semble qu’on ne doit plus juger ce qui se passe aujourd’hui à partir de critères de l’âge d’or…

  3. Je me sens totalement en opposition, pour ma part. J’ai l’impression de lire quelqu’un dire « houlala il y a désormais des imprimeries partout, la majeure partie de la population a appris à lire: l’age d’or de la littérature est derrière nous ».

    Allons, tout reste à inventer: ce n’est que le tout début de l’age du numérique.

  4. Laurent. Il faut prendre l’expression « internet » dans le sens très strict « d’Internet dans les premières années du web », cette période euphorique où « tout était possible », où le web appartenait à des happy few et pouvait être créé ex-nihilo –et dont la société dans son ensemble ne percevait ni le potentiel ni la valeur. Cette période n’existe plus.

    Pour reprendre votre analogie de l’imprimerie, on pourrait dire que l’âge d’or de l’imprimerie et de la littérature ne coïncide pas du tout.

    L’imprimerie, comme technique, a eu un début euphorique. La littérature a suivi. On nomme les livres avant 1500 des « incunables ». Cet époque est à nul autre pareil.

    Thieulin fait, je crois, ce parallèle. Du moins, je le prends ainsi.

  5. Je suis complètement en phase avec cet article, « Internet libre » a l’image des radios libre de la fin années 80 va disparaitre.
    2 causes importantes selon moi:
    -Fin de l’anonymat (obligation de s’exprimer en son nom)
    -Obligation d’avoir un budget/audience pour exister sur Internet

    Oui de nombreuses choses restent a être inventées dans le numérique, mais il faudra investir la ou PC 2Ghz et une connexion 56k suffisait!

  6. Le198: «Fin de l’anonymat» comme cause? J’aurais dit comme conséquence. Conséquence de l’arrivée massive des gens.

    Et je suis d’accord avec vous: «il reste de nombreuses choses à être inventées dans le numérique». Ce qu’on appelle ici «l’âge d’or» n’est qu’en fait «l’époque des bâtisseurs, des pionniers» et ne sera pas retenu sous ce vocable dans le futur quand tous ses acteurs seront morts

  7. Salut Martin,

    Un peu tard, je tombe sur ce billet. Fin d’une époque, oui peut-être, sans doute même. Et mettre la césure à Snowden et ses révélations est judicieux. Mais qualifier ce qui a précédé d’âge d’or qui induirait l’idée d’un sommet atteint et d’une descente plus ou moins rapide et tout autant inéluctable me paraît moins vrai. Plutôt la fin de l’âge des pionniers. Et justement le début d’un âge d’or, celui de l’Internet-roi, omniscient et omnipotent, pour le meilleur et pour le pire…

    Antoine

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