Médias sociaux

#Periscope: 3 types de contenus (retour d’expérience)

Je vous partage quelques apprentissages (qui ressemblent un peu à un Brain dump) sur les nouvelles plateformes sociales de vidéos directs. Si vous voulez connaître mes plus récentes réflexions sur le sujet, suivez-moi sur Periscope, j’en partage presque tous les jours en compagnie de toute une bande de passionnés.

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Un nouvel espace

Voilà 1 mois que Periscope est lancé. Concurrent de Meerkat, il profite de toute la force de frappe de Twitter (il a été acheté tout récemment, pour contrer justement Meerkat qui faisait un tabac à SxSW 2015)

Si on se fie à cette statistique: le nombre de mentions sur Twitter donne l’avantage à Périscope pour l’instant.

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C’est accessible uniquement sur iOS sur les deux plateformes. Une version Android Beta circule pour Meerkat, qui ne permet que le visionnement, et une version Android pour Periscope est censée sortir très bientôt)

Ces deux outils sont le dernier et ultime maillon de l’egodiffusion.

Égodiffusion est la traduction que m’a suggérée ma réviseure sur mon blogue Triplex de Radio-Canada pour l’expression egocasting (lire Christine Rosen dans The New Atlantis, « The Age of Egocasting » qui date tout de même de 2005!)

Ego peut vous sembler péjoratif, mais pourtant, ça décrit bien le fait que la diffusion émane d’une seule personne. Je vous demande donc d’être indulgent, le temps que l’expression soit adoptée –ou remplacée par une autre expression.

Esthétique de l’égodiffusion

Dans ce billet, j’aborderai surtout Periscope, mais ça peut s’applique aussi à Meerkat. J’ai un faible pour Periscope car il a accès au Social Graph de Twitter alors que Meerkat, concurrence oblige, en a été éjecté

En abordant la notion d’esthétique de l’égodiffusion, je cherche à isoler l’essentiel des codes propres à Periscope. Ce n’est pas YouTube, ce n’est pas Vine, ce n’est pas Snapchat, bref, ce n’est pas une vidéo habituelle. Qu’est-ce que c’est donc? Voyons.

C’est une app exclusivement mobile (pour la diffusion), il y a donc fondamentalement trois types de contenus distincts qui découlent des deux caméras disponibles. (La troisième, en fait, est un mélange des deux premiers, mais mérite sa place à part entière).

1- Caméra arrière : c’est le documentaire, le tourisme, la découverte.

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C’est la fonction originalement imaginée par les constructeurs de Periscope («What are you seeing now») car la caméra arrière est activée par défaut au démarrage du flux.

L’égodiffuseur propose de publier l’endroit où il se trouve (intérieur ou extérieur).

L’auteur commente (ou pas). Il partage avec son auditoire ce qu’il voit et ce qui l’entoure : un événement, ses amis, une balade en voiture, une place animée, un événement…

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C’est comme un canal Découverte des petits et grands moments de la vie ou comme une chaîne Escales du flâneur et des curieux.

L’égocasteur est ici un réalisateur de vidéo-documentaire à plan unique, filmé à chaud. Il montre le spectacle du monde. Il est derrière la caméra, « protégé », comme dirait Benoît Descary, avec qui j’ai exploré Periscope pendant le dernier mois.

L’égocasteur est clairement dans la même position que le spectateur. Des fois, et c’est mieux ainsi, il décrit ce qu’il voit et répond aux commentaires. Clairement, l’égocasteur est un passeur qui offre à son auditoire de partager la chance de son hic & nunc aux autres…

La pêche au filet

Tout repose sur les mots-clés employés. L’auditoire s’amasse à la pelle si le lieu possède une valeur originale ou exotique. Certains lieux sont évidemment plus prisés que d’autres; «New York» ou «Tour Eiffel» feront plus d’audience que «Plattsburgh» ou «Dans ma cour». Les visites de lieux intérieurs ont aussi plus de succès si ce sont les bureaux de Google, de Twitter ou de Facebook et que si ce sont ceux d’un marchand de tapis, de boîtes ou de savons.

L’audience est internationale et l’usage de l’anglais, comme lingua franca, permet de conserver l’audience plus longtemps surtout quand c’est accompagné d’une narration descriptive ou d’échanges conversationnels.

Ici la répétition, d’un pericast à l’autre, n’est pas nécessairement un problème. L’auditoire est différent à chaque fois. Et même, pourquoi pas, si l’auditoire est le même, il apprécie le moment que vous partagez. Lentement un fil narratif se construit. C’est une forme de télé-réalité, ou la « réalité » se veut plus « authentique », et sans la compétition associée avec ce genre télévisuel –en fait si compétition il y a, c’est entre les comptes Periscope.

Personnes à découvrir:

  • Claire Waddington: elle nous fait découvrir Paris au fil de ses balades.
  • RevBeej: il nourrit dans sa main un oiseau mouche
  • Alex Cornelier: qui nous fait partage l’enregistrement de la balado hebdo LaPom.me
  • Periscope Québec: il nous partage les lieux et des moments dans et autour du Vieux-Québec
  • (J’attends vos suggestions dans les commentaires pour en rajouter d’autres)

Réflexions pour un usage professionnel ou commercial:

Filmer une tranche de vie au bureau, dans l’usine, dans l’atelier? Montrer l’avancement d’un produit, d’un projet? Le sujet de la vidéo n’est pas nécessairement votre produit/service, car le fait d’ouvrir vos portes augmente votre notoriété (ce qui peut être l’objectif de votre pericast)

Évidemment, puisque c’est de la vidéo, le visuel doit offrir quelques attraits. Plus votre environnement (ou vos employés) sort de l’ordinaire, mieux c’est.

L’approche par caméra de dos est utile si le paysage, l’environnement supportent ou correspondent bien à l’image de la compagnie (walk the talk).

2- Caméra frontale : c’est la rencontre, l’interview, la conversation

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C’est comme Chatroulette, on se connecte live avec quelqu’un dans le monde, mais sans le risque pour l’auditoire de se montrer.

L’égodiffuseur est le centre de l’attention, le sujet de la diffusion. Il se met en scène. Il parle, commente ou répond aux questions de l’audience sur le mode de la confidence ou du partage.

L’égodiffuseur est un acteur, un animateur, un stand-up qui brise délibérément le 4e mur, celui qui, dans le monde du théâtre, sépare la scène du public. Le contact visuel et l’interpellation par leur nom des abonnés rendent l’expérience plus personnelle et directe que n’importe quel show télé.

Certains se filment pendant une activité (prendre la route, souper avec des amis), d’autres le font dans le but explicite de diffuser un contenu (informatif ou divertissant). Il y a clairement une envie de partager des connaissances (du plus futile au plus sérieux) ou du moins d’aller vers une rencontre médiatisée avec un auditoire ad hoc.

On retrouve la même envie qu’au début de YouTube. La première communauté, celle qui a fait connaître (et gagner) la plateforme, se filmait en webcam et s’échangeait « des messages vidéos », accompagnés de commentaires écrits. On dirait ce YouTube d’antan, mais en temps réel.

Quelqu’un qui a déjà une notoriété peut rapidement se bâtir une communauté sur Periscope –plus facilement que pour une personne sans réseau — l’effet vedette joue assurément pour eux.

Ici, nous sommes dans une télé-réalité, dans un sens de mise en scène. On suit quelqu’un, on suit son histoire, qu’il soit du pur divertissement (Ask Me Anything) ou plus sérieux (Je vous partage une information, comme le fait Benoit Descary.

Cette dernière approche — le partage d’information — est ce que je teste le plus depuis 1 mois, avec Benoit Descary, Alexandre Gagné, Benoit Petit et Alexis Cornellier. Philippe Schnobb, ex-journaliste à Radio-Canada, faisait ça aussi dans son blogue vidéo « Sur le Web » vers la fin des années 2000. Quoi quoi, rien de nouveau sous le soleil.

J’appelle ça un « panel à une personne ». On partage une courte information et on répond en longueur aux questions que ça génère. Pour l’instant, par contre, notons que si trop de gens visionnent en même temps votre Pericast (autour de 100 ou 200), les commentaires sont verrouillés et autorisés uniquement aux premiers arrivés.

Personnes à découvrir:

  • Benoit Descary: il nous partage des astuces sur des outils technos
  • Mark Shaw : un Britannique qui partage des astuces Periscope et Twitter
  • Benoit Petit et Alexandre Gagné: ils testent diverses approches pédagogiques à faire avec Periscope
  • Le commandant Chris Hatfield : qui nous partage sa vie quotidienne, des chansons et ses réflexions
  • Bradmantv: qui est semble être branché 24 heures sur 24 sur Periscope et avoir un forfait data illimité
  • Amanda Oleander: une artiste californienne qui est partie avec très peu de notorité pour se hisser tout en haut du palmarès. Elle partage ses réflexions et son art (elle peint) et répond aux questions quand sa voiture est au feu rouge
  • (la liste pourrait être longue, donnez-moi vos suggestions dans les commentaires)

Réflexions pour un usage professionnel ou commercial:

Trouver une personne qui saura bien représenter la compagnie, qui deviendra le porte-parole Periscope. Faites lui parler de l’avancement d’un produit, d’un projet qui aurait un intérêt en soi pour le spectateur.

Si vous faites une conférence, un événement ou un trade show, partagez certains moments clés (annonce des invités, des thèmes sélectionnés, visite des lieux). C’est un suivi dans le temps qui va bâtir lentement une communauté

Un artiste pourrait dialoguer de l’arrière-scène ou de son atelier ou en durant une pratique.

Évidemment, ici le choix de la personne devient crucial.

L’approche par caméra de face est utile s’il y a déjà un énorme fan base et que Periscope pourrait être la crème des cadeaux à leur offrir : un accès VIP.

Dans tous les cas, ici l’interaction reste la vraie valeur ajoutée.

3- Un mélange des deux : c’est le reportage, l’enquête ou l’opinion

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L’égodiffuseur fait ici son propre montage en direct, basculant de la caméra arrière à la caméra frontale pour faire comme un journaliste et commenter en direct des faits, un moment, un lieu.

Il est à la fois en train de présenter le spectacle du monde et de la commenter en même temps. Pensez à une soirée des élections ou à un reporter sur les lieux du drame.

L’effet #baltimoreriots

On a eu un exemple hier et avant-hier, avec les émeutes à #baltimore. Quelques journalistes ont pris la balle au bon et ont documenté les événements en montrant les émeutes, en commentant et en interviewant.

On notera que ce n’est pas donné à tous de bien faire un tel show. Les journalistes ont pour l’instant une longueur d’avance. C’est une approche peu utilisée mais qui a une très grande valeur quand elle est bien réussie. Les commentaires qui défilaient disaient « qu’ils n’écouteraient plus jamais les médias de masse » pour la couverture de tels événements.

La semaine dernière, Europe 1 s’est amusé à présenter l’équipe et les coulisses, un «behind-the-scene». Ils l’ont fait en plusieurs petites vidéos plutôt qu’en une seul, mais le résultat est le même: ils ont présenté les lieux et ce qu’ils font, comme un reportage.

Tout est dans le timing. Avec le bon événement, il est possible d’attirer un auditoire de type « flash-crowd ». J’a vu 2300 personnes sur un flux de Paul Lewis à Baltimore

Personnes à découvrir:

  • Jay Korf (@ABC7jay) et Paul Lewis (@PaulLewis): les journalistes  qui couvert sur le terrain ce qui se passe à Baltiore
  • Je donne une mention spéciale Mémoire Vive TV avec Natasha et Sacha QS qui ne font pas tout à fait, ni systématiquement, dans le montage caméra de face / caméra de dos, mais néanmoins qui testent la forme reportage, sur Periscope.
  • Faites-moi en découvrir d’autres dans les commentaires en dessous

Réflexions pour un usage professionnel ou commercial:

Ici, il y a encore place à l’imagination. À moins d’être dans le feu de l’action et de montrer un point de vue socialement inédit — et alors le sujet suffit –, on peut imaginer qu’il y a tout un travail pour réussir à captiver un auditoire. Avec le direct, il y a l’excitation du « tout peut arriver » et ça ressemble à des enquêtes de déctectives.

Dans un cadre plus serein. On peut imaginer qu’une émission de télévision ou de radio régulière diffuse sur Periscope le sommaire de l’émission qui s’en vient. Quelques heures ou quelques minutes avant l’émission, la personne qui anime, ou qui est chargée de la recherche, peut diffuser des bribes du sommaire. Ainsi, dès que la présence d’un invité est confirmée, on peut l’annoncer! Le sommaire une fois brièvement dévoilé ou l’invité annoncé, l’animateur peut répondre à quelques questions.

Alexandre Gagné a testé des approches pédagogiques: il a fait un reportage sur le terrain qui peut servir dans les classes.

L’avantage du « first mover » n’est pas négligeable. Sur le long terme, ça reste à voir.

Usage du direct

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Les deux principales caractéristiques de Periscope et de Meerkat sont sans contredit le direct et l’interaction live de l’auditoire (par les commentaires — et les coeurs sur Periscope)

Ce qu’on y trouve

Même si vidéos sont souvent conservées 24 heures sur periscope.tv –on peut même les sauvegarder sur son cellulaire–le véritable intérêt premier c’est de capter un moment, un échange hic et nun, qui est «partagé avec le monde entier» –un «monde entier» qui se réduit à quelques centaines de viewers pour les plus populaires et à une dizaine pour le reste d’entre nous — ou en fait 1 ou 2 personnes le plus souvent…

Selon les heures de la journée, vous allez donc avoir une offre de flux en direct qui provient des endroits qui sont «réveillés» dans le monde. Le Moyen-Orient, puis l’Europe, puis la côte Est américaine et à la fin la côte Ouest. Quand ces derniers font un Periscope avant d’aller se coucher, les premiers se lèvent pour démarrer aussi un Periscope.

(La Chine, comme à son habitude, est probablement en train de se fabriquer un Periscope 100% chinois pour être bien sûr de ne pas être sur les mêmes canaux que les autres).

C’est un coup de téléphone

Mais ce qu’il faut retenir, et c’est l’enjeu numéro 1, vous êtes en train de « téléphoner » à votre auditoire. Ce n’est pas comme une émission à heure régulière que je dois syntoniser. C’est une notification dans ma poche!

Si la production d’un flux est facilitée (en un clic on est en diffusion), la réception de ce flux est plus difficile. Les personnes portent leur cellulaire dans leurs poches et sont en train de vaquer à leurs occupations.

Si je dois « répondre », cela doit être pertinent pour moi, au moment même où vous lancez un flux! Pas facile, n’est-ce pas? Voilà pourquoi, ça doit être bref et interactif!

Il existe une exception:

Le « direct boring adhoc » (tiens, je viens d’inventer l’expression)

C’est la rencontre de 2 solitudes, de deux ennuis qui se comblent, pour «passer le temps». L’un diffuse parce qu’il n’a rien à faire, l’autre écoute et commente pour les mêmes raisons. «Show your fridge» est devenu une forme de convention discursive pour reconnaître explicitement la vacuité des échanges.

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Souvent, ce ne sont que des conversations banales (small talk), qui peuvent avoir un intérêt probablement socio-anthropo-psychologique pour des chercheurs. Au lieu de faire la discussion avec un autre passager dans l’autobus à côté de vous, vous conversez avec quelqu’un à l’autre bout du monde…

C’est la télé-réalité à son paroxysme. Ce n’est ni mieux, ni pire que les contenus occupationnels proposés par plusieurs chaînes de télé aux citoyens à la recherche d’évasion de leur quotidien.

C’est souvent une caméra frontale et dans le meilleur des cas, c’est une séance de question-réponse («AMA», Ask Me Anything).

Ce qui m’intéresse : le direct informatif récurrent

C’est la version simplifiée du vidéoblogging qui n’a jamais vraiment percé. C’est à mon avis l’approche la plus intéressante et la plus prometteuse.

Suivez #ffcast pour trouver des flux francophones pertinents sur le sujet.

Je vous reviens dans un autre billet quand j’aurai d’autres apprentissages.

Martin Lessard
Conférencier, consultant en stratégie web et réseaux sociaux, chargé de cours. Nommé un des 8 incontournables du Montréal 2.0 (La Presse, 2010). Je tiens ce carnet depuis 2004.
http://zeroseconde.com

2 thoughts on “#Periscope: 3 types de contenus (retour d’expérience)

  1. Bonjour,
    Merci de partager tes réflexions! Super!
    Un collègue et moi avons dait notre premier Péricast apres avoir suvi les tiens depuis deux semaines. D’ailleurs, je t’ai cité à quelques reprises. Nous étions à l’événement EDCamp de Québec. Nous avons donc réfléchi aux différentres utilisations pédagogiques qui pourraient etre testées éventuellement avec des élèves.
    Merci! On continue de réfléchir ensemble!
    Marie-hélène Marcoux @marcouxmh

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