J’écrivais il n’y a pas si longtemps qu’avec la société des chroniqueurs , une certaine connaissance profane se développe parallèlement au savoir académique, Internet (par la blogosphère notamment) mets en relation une population qui s’échange des idées, des sentiments, des informations pour se construire une vision du monde.
Je disais que « le nouveau savoir qui se développe fait fi des recherches académiques parce qu’elles ne sont pas disponibles. Particulièrement dans la francophonie.«
J’ai lu un article dans le Devoir d’hier (26-27 mars 2005, Page G5) qui me dit que cela pourrait bientôt changer: l’auto-archivage par les université des articles scientifiques en accès libre et en circulation gratuite s’amorce.
Marilyse Hamelin dans son article cite une étude de l’UQAM qui démontre que « les articles qui sont mis en accès libre par leur auteurs (…) ont un taux de citation de deux à trois fois plus important que les articles qui ne sont pas mis en accès libre« .
L’univers des académiciens ne comporte qu’une loi : publish or perish. Et pourtant il est encore très difficile de trouver un article académique (francophone) en libre accès.
L’Université du Québec à Montréal (UQAM) se propose de promouvoir l’auto-archivage des documents scientifiques produits par les enseignants et les chercheurs de langue française dans tous les domaines.
eprints2.uqam.ca est le serveur où les documents de recherche vont se retrouver. Il supporte la version 1.1 du protocole XML « OAI-PMH » (Open Archive Initiative – Protocol for Metadata Harvesting ) . Ce protocole favorise le repérage et l’accessibilité des documents scientifiques mis en ligne dans l’archive. Pour l’instant, il n’y a guère plus d’une quinzaine de documents disponibles.
Leurs travaux se situent dans le domaine de l’information publique puisque les chercheurs sont payés par les contribuables. Pourquoi si peu d’articles sont en accès libre? On pourra discuter une autre fois sur les raisons qui ralentissent cette conversion vers Internet. L’argument des citations devrait briser leur résistance tôt ou tard. Je crois tout de même que l’avalanche est pour bientôt.
Vous comprendrez aussi pourquoi je disais l’an passé que Google Scholar était un sacré bon coup : avec l’arrivée massive de ces textes académiques la notion de « citation space » va devenir une réalité incontournable. Ce que j’appelais un « hyperlien pondéré avec un certificat d’authentification« , la citation-rank, sera un enjeu majeur (et lucratif). Google deviendra le trackback et le moteur de recherche de ces documents (du moins pour le grand public).
Je perçois certains changements à l’horizon:
- Pour que la sphère académique s’ouvre au monde, elle doit dans un premier temps passer son discours sous forme numérique et être disponible à une adresse web. La pression du publish or perish va entraîner les nouveaux chercheurs sur ce terrains et la pression d’accès à l’information (financée par les contribuables) servira de verrou pour empêcher les autres de revenir en arrière.
- Dans un deuxième temps, sous forme de vulgarisation, le savoir académique pourra se voir diffuser dans le grand public grâce au relais de la blogosphère, par des chroniqueurs de la connaissance. De la même manière que la politique ou le journaliste voient son discours ou son reportage prendre un second souffle sur Internet, les académiciens verront que le grand public (ou du moins certains bloggeurs plus ou moins « profanes ») devenir un vecteur de diffusion de leurs théories ou de leurs résultats de recherche.
- Puis par un effet réseau et selon les outils d’auto-archivages disponibles, une certaine convivialité hypermédia devraient s’installer : il sera (devrait être?) possible de linker directement à un chapitre ou à une partie d’une recherche par simple hyperlien (à cette manière) . Les universités sont des institutions qui peuvent garantir la perenité d’un hyperlien (ce qui n’est pas vrai dans la blogosphère).
- La légitimité des Universités devraient aider à créer cette « blogosphère intellectuelle » et pourrait à terme intégrer le trackback, les commentaires et, pourquoi pas, des forums de discussion ou des wikis.
Il est anecdotique de noter ceci : Pourquoi les universités tardent si longtemps à emboîiter le pas. Internet est pourtant (originalement) leur réseau. Elles sont en retard face à la blogosphère : démocratisez l’information académique!
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Initiative intéressante qui tardait à venir. Mais je crois me souvenir que l’Université de Montréal cherchait à mettre en ligne, il y a quelques années, les thèses de ses étudiants. Du moins y avait-il un projet pilote à cet effet.
Pour ceux qui veulent lire l’article du devoir: http://www.ledevoir.com/2005/03/26/77824.html
Ce retard des universités des chercheurs et des universités francophones s’explique en partie par une différence culturelle importante : alors que les anglos sont en général très pragmatiques, nous, francophones, avons une nette prédilection pour l’intellectualisme. Grands parleurs, petits faiseurs (toute chose étant relative, bien sûr). Dans une société en symbiose avec les TIC, j’ai bien peur que le fossé que nous creusons ne devienne une tombe pour plus d’un.
Au-delà de l’accès proprement dit, il y aura aussi l’impénétrabilité de beaucoup de textes académiques comme obstacle à surmonter. Un texte a beau être téléchargeable, s’il n’est pas compréhensible son impact sera forcément limité.
La raison du retard des académiciens est le fait que leur « reward system » est fondé sur les évaluations qu’ils se font les uns des autres. (Le fait que la recherche soit davantage valorisée que l’enseignement est aussi lié à ceci.)
Sébastien, sur l’impénétrabilité de beaucoup de textes académiques, je suis d’accord. Il y a une étape de vulgarisation.
Pour ce qui est du « reward system », c’est effectivement intéressant de voir qu’au fond, la reconnaissance « de masse » ne fait pas le poids contre la reconnaissance « des pairs ».
Il y a la une barrière entre l’académicien et le « profane », et elle est loin d’être technologique…