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iPad jour zéro

On se réveille un jour et le monde a changé. Le iPad espère créer cette impression aujourd’hui, jour de son lancement. Réflexion autour d’un petit café pour ceux qui sont loin du centre du monde (c’est-à-dire un Apple Store américain).

iPadLe iPad possède un avantage certain, relève Doc Searls sur son blogue hier: il arrive avec 100 000 applications prêtes à l’emploi. Bien sûr, dit-il, la première version, comme toutes les premières versions (voyez le iPhone premier génération), sera rapidement démodée et ressemblera à une antiquité dans un an.

Cela n’empêche pas les fans de faire la file pour s’en procurer, raconte Michel de Guilhermier, à 1h du matin ce matin, sur 5e Avenue à New York, près de 60 personnes étaient déjà en place devant le Apple Store. Pour les réactions à chaud dans la file ou à l’ouverture des portes, une collection de canaux vidéo en direct saura vous combler, dont celui d’ubiquiste et ineffable Scoble. [MàJ: lire le compte-rendu du jour 1d’un early adopter: CFD raconte sa journée avec un iPad]

Ceci est mon iPad, livré pour vous. iMen!

« iPad, c’est notre technologie la plus avancée dans un appareil magique et révolutionnaire, à un prix incroyable », avait déclaré Steve Jobs au dévoilement en début d’année.

Sera-elle la technologie miracle qui fera consommer le grand public le contenu numérique des médias traditionnels? Son écran tactile, le WiFi, l’autonomie de la batterie et l’ergonomie de l’acquisition de contenu payant (aka l’appStore) et son bas coût (500 $us pour le modèle d’entrée) sont autant d’arguments en sa faveur.

Le Kindle, maître incontesté du marché avant la sortie du iPad, est maintenant un artefact qui semble avoir appartenu à l’homme du Néandertal. Je crois qu’il y a un momentum sur le marché. Apple, en gonflant le iTouch en iPad (c’et foncièrement le même appareil, mais en plus large), s’avance en terrain connu et décoiffe tous les concurrents actuels.

Est-ce le succès miracle donc? Je n’ose pas m’avancer. Je crois que le iPad a toutes les caractéristiques pour révolutionner l’industrie du contenu. Mais en cette matière, ce sont les consommateurs qui décident du marché. Que le produit soit révolutionnaire ou non. On verra avec l’adoption… et la réaction de la concurrence.

Les voies impénétrables d’Apple

Dans la file d’attente, à New York, il y aura Benoît Raphaël, pense que Steve Job aurait «peut-être encore mis le doigt sur le point de rupture d’une nouvelle révolution. Mais de quelle révolution parle-t-on? »

Il a écrit cette semaine, à propos du «frisson irrationnel» qui parcoure l’industrie médiatique « J’ai même entendu (de mémoire): Le web, c’est fini. C’était un mauvais cauchemar. Nous allons pouvoir nous remettre au travail comme avant et vendre nos journaux. Le iPad, c’est le nouveau kiosque à journaux.» (source)

Mais il met un bémol.

Attention à la consanguinité

Avant toute chose, tout comme lui, je suis convaincu que le système de micropaiement offert par le système de l’AppStore (déjà présent sur le iPhone et ayant déjà quasiment avalé toute l’industrie de la musique avec l’iTunes) fera en sorte que les utilisateurs paieront pour du contenu numérique.
C’est en effet un kiosque unique global. L’appStore, qui prendra 30 % de commission au passage (comme c’est déjà le cas pour les applications iPhone), est le seul canal de distribution possible. Une ruée vers l’or? Apple s’en frottera les mains.

Mais la vraie révolution de l’iPad, comme l’explique Benoît Raphaêl, c’est l’interface, pas l’accès au contenu. «Nous sommes passés de l’ère du site web, à celle du portail, puis à celle de l’info liquide. Les supports nomades tactiles signent le retour de l’interface. Une interface qui ressemble à la « vraie vie », qui nous rapproche des gestes quotidiens… […] Ce n’est en effet pas tant le contenu que l’on va vendre, que l’usage appliqué à ce contenu facilité par l’interface.» (source)

Mais les médias traditionnels, presse papier et audiovisuel, qui s’empresseront de pousser leur contenu tel quel sur le iPad seront fort déçus. Le packaging devra être revu sous peine de non-recevoir de la part des usagers. Une interface agréable, comme pour les magazines. C’est que les gens achèteront. Le contenu brut, sans valeur ajoutée, porté tel quel sur le iPad, comme le contenu qui l’a été jadis sur le web, n’aura pas de valeur.

Ce qui aura de la valeur, comme le suggère benoît Raphaël, c’est l’hyperconnectivité, les réseaux sociaux et de l’interconnexion des datas.

Exemples d’interface iPad, par industrie

– [vidéo] Magazine Wired
– [vidéo] Chaîne spéalisée: Sport Illustrated
– Comic book: Marvel
– [vidéo] Jeu de course: Real Racing HD
– [vidéo] Journal: Wall Street Journal
– [vidéo] Bourse: E*Trade Mobile Pro
– [vidéo] Jeu de table: Scrabble (avec le iTouch)
– [vidéo] Navigation web: Safari
– [vidéo] Courriels: Mail

Mais la rébellion se prépare

Aussi bon soit-il, le iPad n’arrive pas seul sur un terrain vide: même si Apple contrôle toute la verticalité de son écosystème (de ce qui entre via les AppStores et jusqu’aux périphériques), des joueurs à l’horizontale, nous rappelle Doc Searl, entreront probablement dans le jeu très rapidement avec Android et Sebian (qui sont des OS qui peuvent rouler sur d’autres tablettes).

Ce qui se joue ici est la liberté d’accès au contenu. Le iPad sera sûrement fantastique, mais Apple ne me laissera pas jouer avec ce que je veux et de la façon que je le veux. C’est une prison dorée pour contenu riche.

Martin Lessard
Conférencier, consultant en stratégie web et réseaux sociaux, chargé de cours. Nommé un des 8 incontournables du Montréal 2.0 (La Presse, 2010). Je tiens ce carnet depuis 2004.
http://zeroseconde.com

7 thoughts on “iPad jour zéro

  1. Bon billet Martin.

    Je crois qu’encore une fois Apple ne vas pas révolutionner, mais va plutôt «rendre possible» et démocratiser des idées qui stagnaient. Et bien sûr il rend le tout plus possible en pluggant la chose à son écosystème : il fusionnne la tablette (vieux comme le monde), le e-reader (plus récent mais pas si vieux) et son modèle d’OS éprouvé de iPhone dans un produit abordable.

    Encore une fois il fera donc avancer les choses en poussant des concepts qui viraient au neutre ‘dans un monde de PC’ avec une compatibilité tellement grande qu’elle devient incompatible, en y adjoignant une vision de marketing unifiée et de faisabilité que seul Apple peut réaliser.

    Avec son pouvoir de séduction et de marketing, Steve Jobs a même réussi a nous faire oublier que sa merveilleuse tablette n’a pas de support flash et ne permet pas le multitasking. Un recul ou une avancée dans ces 2 cas ?

    La compétition à venir que tu cites en fin de billet – et le bon sens de Jobs – devraient éventuellement le faire bouger. Du moins on l’espère.

    À moins que le HTML5 nous fasse oublier le flash. Je vois mal comme cela pourrait arriver rapidement.

    J’attendrai au moins la 2e génération avant d’acheter. Et vous ?

  2. On achète pas une technologie pour une technologie, la popularité de l’ipad viendra si un besoin se crée, mais pour ma part je ne suis pas convaincu de son utilité, à part peut-être pour l’autonomie de la batterie, bien plus longue que celle d’un ordinateur portable.

    La vraie bataille d’Apple est d’arriver à faire payer son contenu numérique en ligne, à l’heure où les sites d’information, blogues et réseaux sociaux peuvent la fournir gratuitement, mais l’ipad peut aussi dériver de cet usage premier, comme c’est déjà arrivé pour de nouveaux produits lancés sur le marché, et remplacer pourquoi pas le modèle actuel de nos ordinateurs portables?

    Un produit dont on veut voir l’évolution en tout cas, et, comme tu le dis Frederick, en attendant un peu avant de l’acheter…

  3. Frédérick, j’aurais tendance à penser que la première génération ne vaut pas la peine pour tout le monde. Ceci dit, je pense que je vais m’en procurer un quand même.

    (1) je veux saisir tout de suite le type d’usage que l’on peut en faire et

    (2) je cherche à me procurer un 2e ordi, dédié pour la famille et non pour le boulot, et je crois que c’est le l’intermédiaire entre le itouch et le mac book pro qui manquait dans la chaîne…

  4. Olivier, je crois que le «besoin» qui sera crée se situe du côté du «web consommable» (c-à-d le web à la youtube, google news et autre wikipedia: la consultation express et/ou pour le plaisir). Si le «pakaging» est bien réussi, bcp de contenu numérique sera vendu sur le iPad (alors même qu’il restera peut-être gratuit sur le web): ce qui changera c’est le «paiement à l’expérience»: si on une meilleure expérience que sur le web (le HTML est quand même limité), on serait prêt à payer –de la même façon que l’on imprimait jadis pour lire… On n’imprimera plus, on l’enverra sur son iPad pour lecture ultérieure…

  5. Martin je suis très content de ta réponse et je comprends parfaitement la notion « d’expérience » qu’une compagnie peut vendre, sauf que, si on va un petit peu plus loin dans le raisonnement, on ira pas consommer quelque chose qu’on va mettre sur l’ipad « pour le consommer plus tard », parce que justement, le consommer plus tard, c’est le consommer trop tard.

    L’information est un produit qu’on consomme et qu’on jette lorsqu’on il est produit par un site (qu’il soit blogue, site d’information ou autre). L’information produit par un imprimé peut être lu plus tard car peut apporter un autre point de vue ou d’autres informations pertinentes. Et c’est d’ailleurs dans cette direction que se dirige la plupart de nos quotidiens payants, vers une presse d’opinion.

    De plus je reste convaincu que l’expérience « imprimé » ne sera jamais la même qu’une expérience « lu sur l’écran d’ordinateur », la façon de lire est totalement différente (« scan » versus lecture en profondeur). Sinon comment expliquer le succès des quotidiens gratuits de ces dernières années?

  6. Olivier, pour ton premier point, je suis d’accord si et seulement si on parle d’une page ou d’un court article : un peu comme si on trouve un lien sur Twitter et après l’avoir parcouru, on se dit qu’on va le lire après (on le met en signet). Je ne l’enverrai pas sur le iPad. Toute information en html ne sera pas «envoyé» le ipod.

    Je pensais plus à des «ensemble de contenu»: une vidéo, un pdf, un site complet, un powerpoint, qq chose que tu dois mettre hors de ton hyper-parcours (celui que l’on fait avec un fureteur) pour lire à tête reposé (la lecture en profondeur, comme tu le mentionnes).

    La métaphore que j’emploierais serait une visite dans un kiosque à journaux où on feuillette les magazines et parfois on en lit qquns en diagonale (ce serait la lecture gratuite sur le web) et qu’ensuite on décide de l’acheter pour «lecture ultérieure» (et «en profondeur»).

    Cet ensemble de contenu, comme le magazine, sera «consommé» sur le ipad, à mon avis…

    Pour ce qui est du dernier point, la lecture «imprimé» est et restera une expérience différente de la lecture «écran». Pas de doute. Mais le iPad permettra une lecture «écran» renouvelé grâce notamment au tactile.

    Mais pour ce qui est des quotidiens gratuits, leur succès provient du fait de sa gratuité à un moment de «downtime» «hors-ligne» (nous sommes souvent dans le métro sans accès internet et dans l’incapacité de faire quoi que ce soit d’autre que d’attendre- «dowtime»-)

    Tout outil flexible, peu cher et connecté à internet en tout temps tuera à mon avis le journal gratuit…

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