Il y a quelque chose de fascinant dans cette activité de prendre des notes. Au coin d’une table, stimulé par une lecture (Alexandre Serres, via Allergic), on écrit ses propres réflexions, en espérant capter une pensée figitive et la faire partager.
Récemment, et un peu partout, on a commencé à prendre Internet pour acquis. Erreur d’appréciation. Certes, Internet est présent partout, mais avons nous vraiment assimilé tous les changements qu’il induit?
Je me limiterai à citer 6 points concernant cette évolution subtile (et sans précédent) de la place du grand public face à l’information dans les 10 dernières années.
1-AUTONOMIE: L’affranchissement des usagers face aux spécialistes (documentalistes / bibliothécaires) (Si le sujet vous intéresse : The Information Industry Revolution: Implications for Librarians )
2-DEMULTIPLICATION DES SOURCES: l’auto-publication augmente la quantité de document disponible (surabondance d’information, avalanche de blogues, etc) (Si le sujet vous intéresse : How much Information?)
3-L’ENGIN DE RECHERCHE EST UNE COMMODITÉ: l’outil est devenu en soi un média, nous avons vite oublié que ce n’était pas un outil de tous les jours (Si le sujet vous intéresse : Recherche d’information sur Internet : où en sommes-nous, où allons-nous ?)
4-APPARITION DU HASARD COMME FACTEUR DE RÉUSSITE: d’une recherche structurée avec clefs booléen d’antan, on est passé à l’ère où un document se découvre par hasard au détour d’un clic. (Si le sujet vous intéresse : Chercher faux et trouver juste: Serendipité et recherche d’information)
5-DEPLACEMENT DE LA BARRIERE: l’accès à l’information n’est plus un problème, la capacité de traitement de cette information est devenu la nouvelle barrière. (Si le sujet vous intéresse : Problèmes et enjeux de l’évaluation de l’information sur Internet)
6-DEPLACEMENT DE LA VALIDATION DE « L’AUTORITÉ » (« autorité » au sens de « expert en la matière ») : les filtres ont été court-circuités et la validation d’un document repose sur l’usager. Auparavant, une série « d’autorités » filtrait l’information (le libraire, le journaliste, le révérent, l’intellectuel, le professeur, le critique) afin de retenir ce qui est digne d’être lu/vu/entendu. Non pas comme censure, mais comme gage de qualité. Peu ou pas de document ne se rendait à l’usager sans la validation de ces filtres. Aujourd’hui, l’usager a accès à ces documents et il lui incombe d’identifier ce qui est digne d’être lu/vu/entendu, bref de reconnaître « l’autorité ».
Je m’intéresse beaucoup à ce dernier point, celui qui concerne le rapport de l’usager à « l’autorité ». De tout temps, il y a eu des « autorités » pour distinguer les sources possèdant une valeur de celles qui n’en ont pas. L’Université a joué ce rôle. Avec l’arrivée de la première génération Nintendo sur les bancs universitaires, il y a fort à parier que plusieurs diront : « pourquoi venir dans les cours, quand je peux tout trouver sur Internet? ». « Qu’est ce que le prof peut m’apprendre de plus que je ne trouve pas déjà sur Internet? ».
Comprennent-ils que 300 000 réponses sur Google, ce n’est pas une réponse? Comment peuvent-ils savoir qu’un auteur d’un texte trouvé sur Internet a l’autorité pour discuter du sujet recherché? A-t-on seulement pensé que le choix du mot lui-même est important pour discréminer une bonne recherche d’une infructueuse?
Quel est la stratégie cognitive qu’un internaute utilise pour retrouver cette « autorité »? Quel signe interprète-t-il pour découvrir qu’un lien/un texte possède les caractéristiques nécessaires pour être crédible? Ces questions sont devenues critiques. Dans l’enseignement comme dans l’entreprise.
Dans l’enseignement, il faut surveiller des expériences comme celle de l’institut St-Joseph où Mario Asselin propose une utilisation des outils internet aux plus jeunes. Ces derniers ne seront pas une génération sacrifiée, condamnée à croire qu’elle sait tout grâce à l’illusion du pouvoir de possèder toute l’information…jusqu’à la première panne de serveurs chez Google où l’amnésie totale les guettent. Les enfants de St-Joseph, je crois, sauront être plus habile face à la surabondance de l’information et, surtout, sauront peut-être expliciter pourquoi ils choisissent tel document plutôt qu’un autre. (Si le sujet vous intéresse : Educational Blogging ou suivez les carnets de Opossum, Remolo ou Osmoze)
En entreprise, l’absence de réflexion sur les méthodes employés pour trouver et traiter une information ou un document est déjà un problème. Dans une économie du savoir, il n’est pas rare de perdre entre 10 et 20 % de son temps pour chercher et décoder de l’information. Ici aussi la connaissance des processus d’identification d’une autorité dans une matière peut non seulement sauver beaucoup de temps mais permettre des gains importants. (Si le sujet vous intéresse : L’organisation apprenante ou suivez le carnet de Corporate Blogging)
Ces deux milieux doivent élaborer des stratégies différentes… on s’en reparle.
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