Les effets que la surabondance de l’information induit sur la société se reflètent à plusieurs niveaux et je crois qu’il provoquera des changements possiblement gigantesques (positifs ou négatifs) sur la culture et les citoyens. Le dernier en date est «l’information en temps réel», comme on a pu le voir récemment avec la révolution de jasmin en Tunisie, mais aussi, plus prosaïquement, dans notre vie de tous les jours, sur Twitter ou Facebook, y compris les SMS (il n’est pas rare que l’on envoie 100 messages par jour, tous canaux confondus).
Je m’interroge sur les raisons que l’on a de vouloir se plonger dans ce déluge d’information et je me suis posé la question sur la façon que l’on a réagi au tout début de la vague.
Il est bon de se rappeler que la première «mode» sur les tous premiers sites web, à peu près entre 1993 et 1999, a été de bâtir des interfaces surchargées, «bruyantes» et animées (il en existe encore quelques artefacts sur le web si vous cherchez bien). Mais pourquoi donc?
Il faut se mettre en contexte. Avec l’arrivée du web (et des navigateurs Mosaic et Netscape) le grand public accédait, simplement et rapidement, pour la première fois à une énorme quantité d’information, et ce à partir du même endroit: l’écran de son ordi. Auparavant, pour réunir toute cette information, il ne fallait pas compter en secondes, mais en jour.
On a peut-être déjà oublié, mais de tout temps il a toujours été difficile de chercher et de trouver de l’information (voilà pourquoi on paye les journalistes, les professeurs et les bibliothécaires). Trouver l’information demandait un certain savoir et un savoir-faire certain puis, être en mesure de se déplacer ou d’être mis en relation avec les sources.
Écran d’abondance
Or au début du web, les internautes faisaient pour la première fois l’expérience d’avoir tout à la portée de main (littéralement, c’est le cas aujourd’hui avec le iPad). Quand on passe d’une époque où l’information est rare et dispersée, il a été normal que le premier réflexe ait été de tout mettre en tas à l’écran, pour montrer justement que «tout» était là.
Les premiers sites étaient aussi laids les uns que les autres, surchargés et durs à naviguer. Remettons-nous dans l’esprit de l’époque. Quand chercher hors web est long et fastidieux, alors, même face à des «sites laids et lourds», le simple fait de «tomber» sur une mine d’information était un net avantage.
Le souci des «webmestres» consistait simplement à «rendre accessible» tout ce qui était possible. L’usager se grisait avec la «quantité» d’information que le site lui livrait en quelques clics.
Remémorez-vous l’interface de Yahoo. Un capharnaüm. Et le site phare du web 1.0. «Tout au même endroit».
Et c’est par contraste que le héraut du web 2.0, Google, annonciateur des interfaces épurées des années 2000, fit comprendre que «tout au même endroit» ne veut pas dire tout à l’écran…
On dirait que si la première réaction a été de «fêter» la surabondance de l’information en l’affichant sans nuance, on s’en lasse assez rapidement. «L’information en temps réel» suivra probablement le même chemin, même si je ne sais pas quel chemin il va prendre. Le filtrage social est une première stratégie.
– Mais comment la gestion des flux de son réseau se fera de façon organique?
– À quoi ressemble une architecture de l’information d’un graphe social?
– Comment bâtir une ergonomie cognitive du «temps réel»?
Bonjour Martin,
c’est une réflexion que je partage également. Plus de gens contribuent, conversent, etc., plus tes questions se posent et se poseront. J’ai d’ailleurs vécu une surdose d’information à un moment donné. Je suis devenu l’équivalent d’une plante verte. C’est devenu une préoccupation.
Pour ma part, j’ai pris conscience qu’un commentaire est maintenant un début de conversation potentielle, alors j’évite de le faire lorsque je ne veux pas me lancer dans cette avenue. Filtrage social comme tu dis. (Dans ce cas-ci, cela indique également mon intérêt de continuer.)
J’essaie de ne pas créer de contenus qui existent déjà, en dirigeant plutôt les gens vers ces sources. Au besoin je complète.
La première étape est probablement de montrer aux gens comment chercher pour éviter les duplications.
Au plaisir d’échanger. Toujours pertinent.
Mathieu, merci pour le commentaire. On est sur la même longueur d’onde: évitement des conversations que l’on ne peut enrichir convenablement, citer plutôt que répéter, et je rajouterais rester humble dans la création de contenu pcq d’autres ont peut-être déjà défriché le terrain et que nos réflexions ne se sont simplement pas encore croisées dans cet univers infini des idées…
C’est probablement une redéfiniton des modes de diffusion et d’acquisition de la connaissance qui se déroule depus 20 ans, et on est plusieurs à l’avoir noté….
En fait, l’émergence des nouvelles pratiques ( je dirais de survie) dans cette surabondance doit nécessairement répondre à une certaine logique qu’il faudra bien mettre en évidence éventuellement ( et je compte bien partager mes réflexions ici sur Zéro Seconde). Et je crois que ça dépasse largement la confection de nouvelles techniques de filtrage et touchera, je crois, la motivation ( ou le besoin) de savoir ( donc du pouvoir). L’éducation, principalement, sera touchée mais les entreprises aussi: comment survivre à une « porosité » des membranes de la culture d’entreprise quand les savoirs sont distribués à travers les réseaux personnels des employés et recoupent ceux de la concurrence?
Exact. Surtout que les entreprises sont souvent les dernières à emboîter le pas et cette abondance les effraie dans un premier temps. Ensuite, sans accompagnement, elles risquent de s’y perdre et n’y voir aucun intérêt: pure perte de temps. J’ai eu la chance de rencontrer quelques chefs d’entreprise dernièrement lors d’un événement privé et c’est ce qui ressort de leurs propos.
Ça vaut la peine d’y songer, notamment pour l’avenir du Québec.
Mathieu, je ne suis pas surpris. Mais je crois qu’il faut s’assurer d’une chose : connaissent-ils leurs clients? Si c’est cette connaissance qui leur fait dire que c’est « une perte de temps », alors je crois qu’ils sont bien placés pour parler ainsi. Mais s’ils ont aucune idée de qui compte pour leur clients, alors il y a péril en la demeure. Il y a effectivement un changement d’usage en cours qui peut les affecter…
A l’entrée d’un millénaire notre savoir et nos connaissances accrus n’ont fait qu’augmenter l’opacité d’un monde, qui tapi, derrière ses secrets, s’est de lui-même réenchanté.
Oui, le «réenchantement du monde» est à mon avis le défi du 21e siècle…