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140 petites frappes dans le temple des médias

Les médias traditionnels se sont faits détrônés sur deux fronts : rapidité et quantité. Avec Haïti (et l’Iran, et Hudon River, et Mumbai…) qui ne voudra pas croire que les médias sociaux s’imposent comme un acteur de premier plan pour « écrire un premier jet de l’histoire qui se déroule »?

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Un nouvel écosystème médiatique s’est mis en place. Avec Twitter, et autre micromessagerie, toute personne peut (potentiellement) « informer la planète » via un simple message texte. Les médias sociaux offrent un genre de « scoop », une nouvelle « brute » qui bouillonne rapidement et créent des remous, avant de passer dans les grands médias.

« Première ligne d’alerte », les médias sociaux ne court-circuitent les médias que dans les premières heures « d’un événement spectaculaire ». Comme si les « nouvelles d’intérêts publics » étaient sélectionnées et prises en main par les principaux intéressés.

Couvrir l’actualité en son nom

Mais dans un micro-message de 140 caractères, qu’est-ce qui est transmis? 140 caractères ne produisent ni information ni analyse, au sens journalistique. Ce sont des « titres » d’une actualité en construction. Un nouveau sens doit être donné à « couvrir l’actualité brûlante » (ou plutôt « couver l’actualité » comme on dit « couver une grippe » 😉

Si le micro-message est comme un court télégramme, alors c’est l’amoncellement de télégrammes qui remplit la fonction d’expliciter le contexte, de donner une certaine « dimension » à l’actualité qui se construit. L’information en réseau est une information en fragments, démultipliée, brute, authentique.

«Authentique» car Twitter a réussi une chose: l’imputabilité de l’émetteur.
Sur Twitter, on doit monter sa propre audience, un a un. C’est un dur labeur et chaque abonné (« followers ») doit être mérité et est un labeur de chaque instant (cessez d’être pertinent, et on se désabonne).

Du coup, exit les spammeurs et autres trolls débiles. Pas qu’ils n’existent pas , mais ils ont plus de difficulté: quand ils « spamment », ils affectent leur propre réseau en fait. Qui veut « suivre » un spammeurs, un troll? Plus ils agissent, moins ils ont de « followers ».

Ça ne garantit évidemment pas la validité d’un « tweet », bien sûr. Mais si vous montez patiemment votre réseau, vous vous créez une notoriété et une autorité que vous êtes tenu de maintenir le même niveau de crédibilité sous peine d’être rejeté rapidement. C’est votre identité en ligne qui est en jeu. On en a vu des exemples lors des « rumeurs » sur la mort supposée de Johnny et la mort cachée de Lhasa.

Greffe prise, rejet impossible

Les médias traditionnels s’adaptent tant bien que mal à cet ajout dans la chaîne. On a vu cette semaine deux chaînes de télévision importantes incapables de recueillir des interviews lives de première main sur le terrain des opérations de secours en Haïti parce qu’ils n’avaient pas Skype d’installé ou ne savaient comment les utiliser.

«Vous pouvez aider Haïti de l’endroit où vous êtes déjà.[…] Vous pouvez aussi faire des reportages sur Haïti via l’extérieur, avec l’aide des ressources locale déjà présente, sans engorger inutilement le théâtre des opérations.» raconte Michelle Blanc dans Internet Haïti – Les retombées positives d’un simple billet. On voit même des initiatives en ce sens (voir Pierre Côté en communication directe avec Haïti via Skype) en direct sur ustream.

Pour les journalistes, l’ajustement est en train de se faire. (J-C Féraud, a résumé à quoi ressemblerait un «kit de survie à l’heure de la révolution digitale» pour les journalistes). Il ne s’agit pas d’abdiquer bien sûr le rôle de validation de l’information. On s’attend à de la retenue tout de même de la part des médias traditionnels (lire à ce sujet Paul Cauchon dans le Devoir: Haïti, le défi médiatique).

Mais la greffe est prise. Il faut prévoir maintenant un bras de fer avec la possibilité que les journaux se referment derrière des portes payantes (voir la rumeur entourant le NYTimes), dernier mouvant de plaques tectoniques dans l’installation dans ce nouvel écosystème. Ce n’est pas une question de gratuit versus payant, mais bien bien d’économie du lien: comment hyperlier vers des portes payantes? Et surtout comment se faire remarquer dans un monde aux prises avec une surabondance d’information?…

Martin Lessard
Conférencier, consultant en stratégie web et réseaux sociaux, chargé de cours. Nommé un des 8 incontournables du Montréal 2.0 (La Presse, 2010). Je tiens ce carnet depuis 2004.
http://zeroseconde.com

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