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Nouveaux medias et monde arabe

Mon envie d’apprendre la langue arabe a été stoppée le jour où j’ai appris qu’il n’y avait pas 1 langue arabe, mais des langues arabes. Par contre, mon envie de connaître cette culture et ce monde ne s’est jamais éteinte. Quand je suis tombé sur l’émission de Thierry Garcin de mardi de la semaine dernière, sur France Culture, mon oreille s’est dressée, car on y parlait du monde arabe et de l’internet. Je vous partage ce que j’ai retenu.

Osman WaqiallaLes nouveaux médias déplacent partout le centre de gravité de la sphère publique, dans l’ensemble du globe. De la démultiplication des voix institutionnelles à la prise en charge des citoyens de nouveaux moyens d’échange, le pouvoir, toujours associé au savoir, se redéfinit partout. Qu’en est-il dans les pays arabes?

Voici ce que j’ai noté [avec mes commentaires entre crochets]. On peut aussi écouter le podcast, 10 min.

الجزيرة
Dans l’émission, on commençait par la chaîne, symboliquement chargée en Occident et dans le monde arabe, Al-Jazeera, qui représente pour cette sphère du monde, une transformation du paysage médiatique : au milieu des années 90, il court-circuite la logique de télévisions nationales en introduisant une télévision transnationale.

Il amorce aussi le mouvement de ce qui est appelé, dans l’émission sur France Cuture, le « contre-flux », c’est-à-dire une obstruction du débit de l’information circulant uniquement du Nord vers le Sud.

الثورة
Cette révolution ne nous a pas été télévisée. On ne le montre pas beaucoup dans les médias occidentaux, mais le monde arabe aujourd’hui est globalement soumis à une couverture du monde provenant à la fois de l’international et à la fois, tout récemment, de l’interne. Il n’existe plus d’État « ermite », car les chaînes d’information en continu font partie de leur quotidien et l’ouverture sur le monde y est constant.

Avec l’internet, mais aussi bien avant avec la télévision satellitaire, les « nouvelles », largement politiques dans les pays arabes [et fortement occupés par les activistes ou les militants cherchant à imposer leur interprétation de l’Islam et/ou leurs agendas politiques], ont vu leur « domination » dans la sphère publique (du moins les chez les jeunes Arabes) diminuées face au «divertissement», au sens très large. Ce qui inclut les blogues.

بلوق
En 2005, dit-on, le phénomène des blogues démarre véritablement, où une trentaine de milliers de « blogues durables » [sic] sont actifs, apprend-on, dans tout le monde arabe. [Notez le vocable « durable ». On élude ainsi la fallacieuse objectivité des statistiques à la technorati où un bon blogue est (aussi) un blogue mort]. En 2006 ce compte est passé à trente milles, seulement au Maroc, c’est dire l’explosion et la rapidité des évolutions.

Le monde arabe, médiatiquement parlant, était centré sur l’Égypte, et même le Liban à l’époque, et voit aujourd’hui son centre de gravité se décaler vers l’Est, vers la péninsule arabique (on pense au Qatar et à Dubaï), ce qui n’est pas étranger aux énormes développements culturels, architecturaux et touristiques mis en place récemment. [Ceux qui ont de ce coin du monde une image d’Épinal avec un chameau dans un désert ont intérêt à mettre à jour leur banque d’images].

العربية
Ces régions, autrefois très en contact avec le français et l’anglais, ont aujourd’hui rapidement tendance à s’arabiser, par un arabe utilisé dans les médias, transcendant les différences nationales, mais aussi en utilisant sans complexe les différents dialectes locaux, par une réappropriation de la langue au niveau individuel, avec toutes les dérives que cela comporte.

Les pouvoirs du savoir, les institutions voient une certaine jeunesse [numériquement plus importante en proportion que dans les pays occidentaux, ne l’oublions pas] s’accaparer des outils des nouveaux médias pour s’affranchir des poids de leur héritage et regarder l’avenir de façon désinhibée, par rapport au Nord, aux autres langues, mais pour ouvrir une communication horizontale.

الاتصا
Cette communication horizontale, par opposition à une communication du haut vers le bas, d’un émetteur vers une masse qui écoute, est sans doute le fait le plus extraordinaire dans ces sociétés, aux dires du professeur interviewé dans l’émission.

Les enjeux internationaux, la capsule de Thierry Garcin, est toujours trop courte et on en aurait demandé plus. On trouvera sur le site de l’émission, tout en bas, avec profit, une liste de livres et de liens portant sur le sujet. Mais je trouve que nous avons là une bonne mise en place pour comprendre l’impact des nouveaux média dans le monde arabe.

Si le sujet vous intéresse, il y a le carnet du professeur interviewé, Yves Gonzalez-Quijano, maître de conférences à l’université Lumière Lyon-II : culturepolitiquearabe.blogspot.com

Un colloque vient justement de se terminer à Lyon et portant sur les médias arabes et le traitement de l’actualité, on a ici l’invitation (PDF, français, 6 pages) et les actes seront publiés dans la Revue Hermès.

On mettra aussi dans son agrégateur Hou-Hou blog, simplement parce que c’est un bon blogue.

image : dernière oeuvre d’Osman Waqialla (1924-2007)

Martin Lessard
Conférencier, consultant en stratégie web et réseaux sociaux, chargé de cours. Nommé un des 8 incontournables du Montréal 2.0 (La Presse, 2010). Je tiens ce carnet depuis 2004.
http://zeroseconde.com

7 thoughts on “Nouveaux medias et monde arabe

  1. Cher مارتين,
    Pour ton info. j’étudie l’arabe depuis 1 an et demi. Il existe un arabe commun à tous les pays arabe: celui utilisé par les médias ou arabe standard. Évidemment, les arabes me comprennent plus que l’inverse mais c’est déjà un début pour pénétrer ce monde merveilleux !

  2. Rien à redire sur l’article. Par contre j’appuie val. pour ce qui est de l’arabe des médias.
    Sinon, pour l’info, il y a quelques sites en lignes qui proposent les bases… Entre autre Firdaous.com et Webarabic si je ne me trompe. C’est toujours un début. Personnellement, je tente de passer la vitesse supérieur parce que bon 3 mois sur un alphabet ça commence à être long…
    Très cordialement et bonne continuation.

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