On peut demander la sauvegarde de son historique Facebook depuis quelque temps, c’est-à-dire télécharger toutes les informations que vous avez entrées dans la plateforme depuis votre inscription. Tenir dans ses mains un concentré de vie privée est une expérience nouvelle.
Vous recevrez par courriel un énorme fichier de votre prose sociale (allez voir dans les paramètres de votre compte, détails ici)
Ce qui est le plus marrant, dans cette histoire, comme Matthieu Strélisky m’avait fait remarquer, c’est que Facebook nous met en garde:
«Because this download contains your profile information, you should keep it secure and take precautions»
[étant donné que le fichier contient des informations personnelles, vous devriez prendre des précautions et le mettre à un endroit sécuritaire.]
D’une certaine manière, Facebook nous dit que notre vie privée est une chose trop sérieuse pour la laisser entre nos mains…
Pour une compagnie qui n’a pas montré trop de soucis à ouvrir le coffre-fort à toutes les applications que des programmeurs externes proposaient en 2007 (rappelez-vous que les premières appli avait tous accès à nos datas et même ceux de nos « amis ») ni à nous protéger des regards indiscrets (l’an passé, sans trop avertir, nos données se sont retrouvées ouvertes « par défaut »).
La non-confidentialité n’est plus à démontrer. Christian Bensi nous le rappelle encore avec cette très récente histoire du tribunal des Prud’hommes de Boulogne-Billancourt qui «venait de donner raison à une entreprise pour le licenciement de trois de ses salariés. Ces salariés dénigraient la hiérarchie de l’entreprise sur leur profil Facebook.»(Source)
Mais savons-nous, sommes-nous prévenus, de ce que Facebook fait de ces données? Xavier de la Porte nous résume l’excellent compte-rendu de Zadie Smith du film The Social Network sur InternetActu. «Quelle philosophie est inscrite dans Facebook ? Et Zadie Smith s’inquiète par exemple de l’Open Graph de Facebook, une application qui permet de voir en un instant tout ce que nos “amis” sont en train de lire, de regarder ou de manger, dans le but de pouvoir faire comme eux. Elle s’inquiète du fait qu’il y a dans la philosophie de Facebook une crainte générationnelle : celle de ne pas être comme les autres, une crainte de ne pas être aimé»
Tout ce que vous écrirez pourra être retenu contre vous
La semaine dernière, «Ecrans.fr le podcast », l’émission hebdomadaire de LibéLabo avec l’équipe d’Ecrans.fr, Erwan Cario, Alexandre Hervaud, et Camille Gévaudan, recevait le journaliste Jean-Marc Manach, auteur du livre La vie privée, un problème de vieux cons? Confrontée à un regard externe, étranger, on peut toujours détourner de son objet initial le contenu d’un fil Facebook. Ce n’est pas ce que vous dites qui est un problème, c’est comment l’autre (le patron, le douanier, l’assureur) qui s’arroge le pouvoir d’interpréter en sa faveur le crime dont vous êtes innocent.
Jean-Marc Manach écrivait cette fin de semaine que le web donne à tous la liberté d’expression (autrefois réservé aux «personnalités politiques, culturelles, intellectuelles, journalistes, “people“») afin de non seulement s’exprimer, «mais aussi et surtout être entendu». Mais voilà, «[l]e problème, c’est que le statut de “personnalité publique“, autrefois réservé à un nombre restreint de privilégiés, est donc aujourd’hui accessible à tout un chacun, en quelques clics.» (source) Et peu savent comment gérer ce nouveau fait.
Un monde sans revers
Ce que j’écrivais il y a 5 ans à propos des blogues (La Blogosphère sans revers) tiens toujours: Il n’y a pas de revers sur Internet, pas de coin pour parler dans le dos de qui que ce soit (du moins pas sur une longue période). Tout finit par se savoir. L’espace privé, finalement, se réduira à terme à tout ce qui n’est pas capté par un appareil de reproduction, volontaire ou non. L’espace pour l’hypocrisie n’existera plus: ce qui émergera éventuellement dans la société en réseau sera soit un obligation de confronter les autres avec nos idées ou de se taire. La confrontation entraînera soit une stratégie de respect mutuel et de conciliation à long terme, soit à une manipulation par pression sociale des pensées à une échelle encore jamais vue (sauf dans les dictatures).
Photo © 2006 Pete Jelliffe (via: Wylio)
Assez d’accord avec la conclusion. En même temps, il y a des effets de clairs obscurs nombreux en ligne. Avoir un blog invité au Monde n’a pas le même impact que de gérer un skyblog bien caché. Faire des liens n’a pas le même impact que ne pas en faire. Facebook ou Twitter ont tendance à faire disparaître dans ses tréfonds vos plus anciennes actualités. Il vaut mieux prendre l’internet pour ce qu’il est un espace public qui partout vous suit et vous identifie (via votre IP, même quand vous prenez un pseudonyme). Mais cependant, pour les utilisateurs avertis, ou ceux qui veulent l’être, il peut y avoir des revers, des espaces privés. Faut juste s’équiper pour. http://www.internetactu.net/2008/02/01/le-design-de-la-visibilite-un-essai-de-typologie-du-web-20/ et http://www.internetactu.net/2006/06/15/upfing06-espace-prive-espace-public/ – mais ce billet faisait déjà beaucoup de références à InternetActu 😉
Hubert, faire référence à InternetActu est bon pour la santé mentale de tous! 😉
Je remets tes liens en hyperliens:
Le design de la visibilité
Upfing 06: Espace privé – Espace Public