En cette époque charnière où le web tout puissant semble saper les bases de la presse papier, j’ai interrogé le moteur de recherche de mon journal favori (Le Devoir) pour connaître justement ce qu’il avait à dire sur le sujet. La surprise n’est pas venue d’où je pensais.
On subodore parfois des réalités rien qu’à voir les types de résultats de recherche. Ma petite expérience ne fait pas exception. Promenons-nous dans les bois numériques.
Web, y es-tu?
Avec la requête «web» (difficile de faire plus vague), j’ai interrogé le site du Devoir. Résultat? Rien. Nada. Que dalle. Vide. Pas de résultat. Ah si! La page d’aide. Et celle du centenaire du journal, allez savoir pourquoi!
Bon j’imagine que le mot est soit mal indexé, ou, vraisemblablement, exclus de la base de données pour des raisons de configurations obscures mal réglées (genre: toutes les pages «web» sortaient –ou quelque chose comme ça).
Compréhensible, mais étrange. Comme si vous interrogiez la banque de données des journaux –mais sans pouvoir utiliser le mot «journal».
Internet, y es-tu?
Alors j’essaye «Internet» (hé oui, on peut faire effectivement plus vague) dans le moteur du Devoir. Résultats? Aaah! Mieux! Il y a au-dessus de 10 000 articles!
Euh… Mieux? Techniquement oui. Mais qualitativement, non. L’occurrence «Internet» était dans la plus part des cas un mot plus que secondaire dans les articles que le moteur a ressortis.
Compréhensible, mais décevant: voyez par vous-même les 10 premiers résultats. Voici les 3 premiers trouvés ce matin:
– Lucia Ferretti: «Le Québec est bel et bien une société distincte au Canada» [sur la religion]
– Des chantiers paralysés? [sur la construction]
– En bref – Magazines éducatifs pour les écoles [sur des magazines papier !! ]
Le reste est du même acabit. Donc, non, ce ne sont pas des articles sur «internet« …
Le Devoir n’a pas à se sentir seul, il est en bonne compagnie. La Presse aussi n’a pas tout à fait bien attaché ses souliers : une recherche sur «internet» donne un résultat tout aussi mitigé.
Promenons nous dans les bois pendant que le journaliste n’y est pas
Un bon programmeur définit la fonction « recherche » sur un site comme une «requête à la base de données». Et la page contenant les réponses à la requête tombe du coup sous sa responsabilité. Grave erreur. Ce n’est pas de la programmation! C’est de l’information que vous retournez!
Tout échange d’information est de l’information. Une requête à la base de donnée est un échange d’information, donc tombe dans la cours des journalistes.
Ce que vous mettez en page est de l’information. Ce que votre moteur de recherche affiche est de l’information.
Vous ne laissez pas vos camelots titrer vos articles? Ne laissez pas les TI gérer les résultats de recherche! Assurez-vous que vous avez le contrôle pour pondérer les pages.
La révolution menée par des amnésiques
Le Devoir titrait la semaine dernière «Le train numérique passe, le Québec reste à quai» en parlant du retard de plus en plus irrattrapable dans les technologies de l’information au Québec qui isole lentement le pays parmi le tiers-monde du savoir numérique, faute de colonne vertébrale politique et d’attentisme commerçant.
Comme on connaît la propension des journalistes à vouloir guider avec leur lanterne le peuple et les dirigeants dans le flou obscure de la réalité de la vie, on se demande si on ne suit pas nous même ces aveugles. Ou plutôt ces amnésiques. À lire leur moteur de recherche, on peut penser que oui.
Journaliste, y es-tu ? Entends-tu ? Que fais-tu ?
Bien sûr, il s’en écrit des choses sur «internet» et le «web» dans ces journaux, mais sans trace, comment pensent-ils avoir une perspective cohérente sur les changements en cours? Via leur moteur de recherche, ils donnent à penser qu’ils n’ont pas de réflexion profonde sur le sujet.
«Le train numérique passe, mais les cheminots sont au bar»
À bien y regarder, bien sûr il y a quelques chroniqueurs qui se sont laissé aller à donner leur avis. En général sur leur blogue. Plus rarement dans le journal papier. Mais pas souvent un article de fond ou débat sur le sujet émergeant –souvent c’est après coup.
Après on s’étonne du «retard» dans la perception des gens face aux changement causé par le numérique…
Je soupçonne que les journalistes ont accès à un outil de recherche plus performant à l’interne. Mais pourtant régulièrement ils citant des sources hors de leur journal, hors du pays.
Le New York Times, par exemple.
Juste avec ce journal américain, dans la dernière semaine, avec les requêtes «web» et «internet», on trouve des articles stimulants sur la compréhension d’internet et de leur impact sur nos vies et la société en général. Juste dans la dernière semaine!
– The Defense of Computers, the Internet and Our Brains.
– Internet Breathes New Life Into Clock Radio.
– 22 Percent of Internet Time Is Social, Nielsen Says.
– South Korea Expands Aid for Internet Addiction.
– Book Review – The Shallows – What the Internet Is Doing to Our Brain.
[5 liens parmi les seuls 10 que le NYTimes affichait ce matin pour «internet», dont 2 étaient des liens vers les catégories pertinentes. Pour en avoir plus, il faut passer par la recherche avancée par date]
Je peux comprendre la quantité –l’argent explique beaucoup de chose–, mais qualitativement, on devrait retrouver ça aussi chez nous, des articles de réflexion (Il n’y a que se pencher pour en ramasser à la pelle dans les bon réseaux sur la blogosphère)
Et on s’étonne qu’on ne cite pas souvent nos journaux francophones…
Et on s’étonne que le pays a du retard face au numérique.
Au fait… Je me demande s’il y a pas un lien de cause à effet à faire?
PS: Allez, les bleus?
– Le Monde, pour le mot «internet» : 10 / 10
– Libé, pour le mot «internet»: 0/10
Comme pour leur équipe de foot, il faut en prendre et en laisser…
Comme au millénaire dernier, sur de gros site il faut toujours mieux utilisé Google avec l’option site:ledevoir.com « mots-clé ».
Éric, dans le cas présent, j’ai utilisé les moteur de recherche _interne_ seulement, pas Google. C’est catastrophique comme résultat!
Martin, salut, il faudrait mettre un bibliothécaire là-dessus 🙂
Passe un bel été!
Luc Jodoin