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Blog versus Geocities

Je me pose la question depuis le début : comment exprimer la différence entre l’univers des blogs et celui des pages personnelles.

Une différence furtive? Pourtant les blogs sont comme des pages personnelles, mais gérées par un gestionnaire de contenu. Les pages personnelles sont commes des blogs, mais sans date et sans commentaire. Et les deux sont maintenus par des individues qui écrivent sur divers sujet.

Alors? Comment expliquer l’emballement pour des univers de contenu créé dans Blogger, Joueb, radio.weblog, monblog, etc, alors qu’il y a bientôt dix ans qu’existent des centaines de milliers de sites personnnelles sur Geocities. On donne toujours les définitions techniques du blog pour expliquer la nuance. Mais l’âme ne se réduit pas à une formule chimique.

Pourquoi savons-nous intuitivement que l’arrivée des blogs affiche nettement une différence avec l’avènement des pages personnelles? Rappellez-vous votre engouement lors de l’apparition des premières pages en HTML 1.0. On sentait tous que quelque chose de nouveau se développait.

Et puis notre espoir s’est estompé. Bien sûr les requins de la bulle y étaient pour quelque chose. Mais pas seulement. Le web grand public ne s’enlisait pas seulement parce que les grands portails étouffaient le web. Les pages personnelles ne fonctionnaient pas. Tout simplement. Les pages personnelles du grand public, sauf exception, apparaissaient autour du résultat numéro 150 000 dans Google, loin derrière les sites commerciaux.

Puis arriva les blogs. Les blogs et le RSS. Les blog, le RSS, les aggrégateurs. Les pages personnelles étaient revenues, oh déformées par le gestionnaire de contenu, bien sûr. Les pages d’accueil se sont mis à s’allonger, au grand dam de Jakob Nielsen, la page web n’avait plus « un » sujet mais « plusieurs » sujets. Oh crime de lèse-ergonome! Puis les commentaires sont venus rendre davantage confu l’identité de l’émetteur. Qui parle? Où commence la discussion? quand est-ce qu’elle se termine?

Les blogs, à n’en pas douter, étaient différents. Pas seulement un « forum à une personne ». Pas seulement une « page personnelle en ordre chronologique ». Quelque chose nous disait que nous n’étions plus au Kansas. Et on l’a tous perçu.

Les blogs ne relève pas de la mode au premier degré, les blogs avec ce vocable ou un autre s’incrustera, car les blogs ne sont ni plus ni moins que le web métamorphosé en outil de communication.

Quoi, ce ne l’était pas avant? Pour le grand public, non.

Géocities et les autres pages personnelles? Pour l’essentiel, c’est un formidable amas d’information. En ce sens le web ne représente qu’une extension -considérable- de l’espace de l’information normative et fonctionnelle. L’extraordinaire volume d’information que l’on trouve sur le web cache en fait sa propre banalité : s’il y a déluge informationnelle, si l’océan web se rempli de façon diluvienne, c’est qu’il y a bien quelque part des vannes qui l’on alimenté. Cette incommensurable masse d’information est moins révolutionnaire que son accès. Cette information transigeait déjà, impalpable, sur d’autres réseaux (téléphone, journaux de quartier, etc) à travers la planète. Elle ne fait qu’être formellement « visible ».

Mais si je diffuse de l’information, fais-je de la communication? Pour y répondre, on doit se poser la question : qu’est ce qu’un média?

Est-ce qu’Internet est un média? Un canal, certes. Mais y a-t-il une communication de type médiatique sur le web?

La communication, il me semble, doit prendre en compte l’émetteur, le message et le récepteur. Et ces trois points doivent exister dans un espace contingent. L’émetteur doit possèder en commun avec le récepteur un code, des règles, des définitions pour produire le message. Autrement dit, il ne peut y avoir de médias sans représentation d’un public, sans intentionalité.

Voilà la caratéristique fondamentale d’un blog par rapport à une page personnelle. Avec une page personnelle, avec Geocities, nous sommes de l’ordre de la diffusion, de la capacité de diffusion sans réflexion a priori sur le récepteur. Un peu comme la différence entre un livre et une revue. Avec les blogs, nous sommes de l’ordre de la construction d’un public, d’un rapport entre un émetteur et des récepteurs.

Cela entraîne nécessairement une vision du rapport entre l’échelle personnelle et l’échelle de la communauté, qui inclut le choix de langue, de valeurs et de références à partager. Donc un rapport au temps, car une communauté de valeur ne se construit pas du jour au lendemain (demandez à tous ceux qui tentent de démarrer des forums, des wikis ou des sites, souvent ils se heurtent à une ignorance ingrate qui tôt ou tard aura raison des meilleurs ardeurs).

Le blog est le premier média grand public (par lui et pour lui) où une certaine réflexion sur ce que peut être la demande et le public, comme les mass médias se les posent, est un choix conscient.

Cette différence est essentiel pour comprendre le phénomène émergent. L’avenir du réseau n’est pas comme nous l’ont fait croire les spéculateurs de la bulle, un canal d’information marchande, du commerce électronique à l’échelle mondiale, de la rationalité technique de la transmission de data. L’expression et la communication reprennent maintenant leurs droits.

Les blogs, à l’opposée d’une page personnelle, et malgré toutes les caractéristiques techniques que l’on peut lui donner, se définit par sa « représentation de son public ». Il le construit. Sans public, une page web n’est qu’une information, aussi lue soit-elle. Et, oui, un blog d’une communuaté X n’est que de l’information (ou du bruit) pour une communauté Y.

Le rêve d’un lectorat mondial n’existera pas car il n’y a pas de public mondial. Chaque bulles, plus ou moins grandes forment une écumes à l’échelle universelle. La globalisation permettra seulement certaines bulles de prendre de l’expansion, mais aucune n’englogera la planète. Regardez, vous avez accès à tout, mais vous voilà à lire ma bulle locale. Le blog permet le retour au public local. On en reparlera.

Billet original sur http://zeroseconde.com

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Martin Lessard
Conférencier, consultant en stratégie web et réseaux sociaux, chargé de cours. Nommé un des 8 incontournables du Montréal 2.0 (La Presse, 2010). Je tiens ce carnet depuis 2004.
http://zeroseconde.com

3 thoughts on “Blog versus Geocities

  1. Je dois avouer que ‘local’ connote une proximité géographique, que ‘affinité’ n’a pas.

    Mais je me dois de constater que les deux se recoupent largement dans les faits. Nous ne nous situons pas aux antipodes du globe, nous, lecteurs de nos blogues respectifs. Les affinités sont cuturelles (même intellectuelles) et par le fait même géographiquement limité.

    Mais je ne tiens pas à me limiter à ce constat. Le rêve d’un lectorat mondial doit laisser place au froid verdique: nous aurons des lectorats locaux. C’était mon point. Votre apport précise qu’il ne se limite pas à la proximité physique. Juste.

  2. Je ne suis pas convaincu que la différence entre pages personnelles et blogs soit si grande que cela… En tout cas, les pages perso elles aussi se sont « construit dans la représentation de leur public » (voir ici par exemple).

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