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Darfur is dying : Play now!

Darfurisdying.comControverse. Peut-on faire un jeu sur une crise humanitaire?

Des étudiants de l’University of Southern California ont conçu un jeu-flash en ligne, darfourisdying.com, pour sensibiliser les joueurs à la situation dramatique qui sévit en Afrique.

Conçu pour être joué en 15 minutes, le jeu raconte la vie des gens du Darfour obligés de survivre à une guerre, chercher de l’eau au péril de leur vie ou d’être coincé dans des camps de réfugiés. Le jeu se veut viral afin de propager rapidement le message à travers le net.

Press ‘space’ to hide
Inutile de dire que la question d’éthique a été immédiatement posée:

Peut-on faire un tel jeu?

Oui, car de nos jours, le jeu rejoint beaucoup de jeune qui ne serait pas sensibilisés autrement.

Non, rien ne peut s’approcher de l’horreur de cette guerre et le jeu ne fait que le banaliser.

La montée du jeu sérieux (Serious Games Initiative) dans le monde académique (voir ma note de la semaine dernière Éducation 2.0?) possède une bifurcation nommée Games for Change (G4C) chargée de supporter, de propager et partager des ressources à des organisations utilisant les jeux vidéo comme moteur de changement sociaux.

Ce jeu est en fait inspiré d’un autre jeu plus poussé : www.food-force.com initié par… l’ONU. Le seul objectif avoué: propager le message. Le jeu n’est que l’hôte d’un « viral », ou d’un meme… Ce qui compte c’est que l’information se répande le plus possible.

C’était le but des vidéos themeatrix.com à propos de l’illusion entretenue par l’industrie agro-alimentaire nord-américaine -et dans le monde industrialisé en général – et de sa suite The Meatrix II sur l’horrible HFCS et le boeuf Frankenstein. Mais ici avec l’idée d’interactivité ludique en plus. Et c’est là que la question éthique se pose.

Éthique et mat
Donc, on nous prend pour des relais. Voyons alors qui est derrière.

Pour rendre ça plus trouble, disons que le jeu-vidéo a été conçu dans le cadre du Darfur Digital Activist Contest où il a été dévoilé samedi dernier, en partenariat avec, tenez-vous bien, le Reebok Human Rights Foundation et International Crisis Group (de George Soros) et lancé par, accrochez-vous encore, par MTV, ou plus précisément MTV-u, la branche de la chaîne de clips nichée réseau collégial et universitaire.

Que ce soit des sociétés multinationales, c’est à la fois rassurant (les marchants ne font pas que détruire la planète) et simoniaque (ils s’achètent des indulgences morales pour masquer leur insuffisance sociale), mais on ne peut pas les traiter de malhonnêtes (ils n’ont pas d’intérêt au Darfour).

Nous sommes au confluent où se rejoignent les intérêts d’activiste tiers-mondistes et ceux de grandes corporations (le concours et MTV-U ont une audience très estudiantine, donc contestataires par nature). La cause est bonne, tout le monde y gagne, donc.

Le jeu vidéo va (peut-être) faire le tour du monde (d’Internet, je veux dire). Et si la cause du Darfour peut être entendue, c’est tant mieux.

Weltanschauung made in USA
Le jeu, réducteur comme tout jeu, appelle la crise « un génocide ». Mais l’ONU a reconnu l’an passé que si la crise générait certes des massacres, elle ne pouvait être appelée génocide, car ils ne découlaient pas d’un plan voulant la destruction partielle ou totale d’un peuple. Mais nous ne sommes pas loin des crimes contre l’humanité.

Dans ce conflit, seuls les américains insistent pour parler de « génocide ». Le jeu véhicule donc leur vision des choses – leur weltanschauung- et leur vocabulaire politique. Une certaine culture de l’activisme et de leur focus géopolitique se propage sur la toile – et dans les têtes. On peut être contre le jeu ou on peut rester insensible même après avoir joué, mais le terme « génocide » sera « top-of-mind » dans la tête des gens. Qui peuvent faire « pressions » auprès de leurs dirigeants…

La consommation d’information change aussi de forme.
Avec le jeu, l’information se propage. Mais qu’est ce qui se propage? la controverse sur le jeu? le sentiment d’identification avec les personnages du jeu? le meme de la guerre au Dafour?

On assiste à une nouvelle façon de maintenir vivant dans l’esprit des gens et dans la sphère médiatique ce conflit afin qu’il ne tombe pas dans l’oubli. Il n’y a pas pire cauchemars pour un peuple que de voir sa souffrance disparaître des radars médiatiques occidentaux.

Mais le jeu est-il le meilleur vecteur? Oui, si on considère la quantité de jeunes qui ne lisent pas les nouvelles. Non si on croit que l’information ne doit pas laisser de place à la séduction. Vraiment? Pourtant informer est devenu un acte de séduction

S’informer, un acte ludique? Ceux qui s’informent de façon « traditionnelle », via les journaux par exemple, le font parce qu’ils y trouvent du plaisir -dans leurs moments de loisir d’ailleurs. Depuis plusieurs décennies, l’information doit « séduire » pour être « consommer ». Les images prennent de plus en plus de place dans les journaux et la télévision n’hésite jamais à lécher ses présentations pour garder l’oeil captif…

Internet est un monde de micro-plaisirs, éphémères, sans début ni fin. L’information s’est finalement métamorphosée en jeu pour s’adapter à son nouveau médium…

Martin Lessard
Conférencier, consultant en stratégie web et réseaux sociaux, chargé de cours. Nommé un des 8 incontournables du Montréal 2.0 (La Presse, 2010). Je tiens ce carnet depuis 2004.
http://zeroseconde.com

3 thoughts on “Darfur is dying : Play now!

  1. Cette analyse est excellente et apporte un regard éclairant sur le phénomène. Bravo pour la recherche et les détails. C’est toujours un plaisir de s’arrêter quelques minutes sur zéro seconde.

  2. D’accord sur ton analyse.
    Je suis également très intéressé par la problématique des jeux en ssensibilisation politique ( effet d’empathie, effet de projection).
    ça avait été l’objet d’un billet sur notre blog Place de la démocratie. je serai très intéressée d’avoir ton avis
    http://xmo.blogs.com/pdld/2006/05/implication_vir.html.

    Et là j’essayais de me demander ce que donnerait un MMOP ( un espace virtuel permanent permettant aux joueurs d’inetergir entre eux, donc de débattre)
    C’est ce que tente de développer une école française, pour les élections pdentielles de 2007, la secancehttp://www.lasecance.com/, mais je sais pas où ils en sont.

    Nadia

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